Amateur

La vie du rugby amateur : La troisième mi-temps

Découvrez une nouvelle tranche de vie du rugby amateur avec un superbe texte sur la troisième mi-temps.

Yannis Dom 09/12/2016 à 07h30
Ce qui se passe en troisième mi-temps reste en troisième mi-temps.
Ce qui se passe en troisième mi-temps reste en troisième mi-temps.

La chasse d’eau retentit. Le regard flou, tu sors des toilettes, débraillé et boiteux, le polo trempé de bière. Devant toi, le chaos le plus total sur un fond de Michel Sardou. Te voilà en pleine 3ème mi-temps.

16h40. Ça y est, le match est terminé. Ton corps a été martyrisé pendant 80 minutes. Pourtant, le vrai combat ne fait que commencer. La pelouse laisse place au comptoir. Le club-house est déjà en ébullition tandis que tu commandes ta première tournée. Il faut fêter la victoire ou oublier la défaite : hors de question d’arriver sobre au boulot demain matin. 17h. Entre deux bises, on refait le match. Les inventeurs du rugby sont de sortie. Chaque phase de jeu est décortiquée, chaque décision arbitrale critiquée. Près de la porte d’entrée, la clope au bec, ton talonneur explique comment il a éteint le deuxième ligne adverse d’un crochet dévastateur, que bizarrement il est seul à avoir vu.

18h. Derrière le bar, les fûts de bière tombent au champ d’honneur. Les tireuses tournent à plein régime. Les autres résultats de la poule tombent un à un. Stupeur : Chaume-les-Brouzette est allé gagner à Moustelongue. Et apparemment, c’est tombé. Les mathématiciens du dimanche entrent en scène. Toi, tu as laissé la bière et tu es déjà passé à autre chose de plus fort. D’ailleurs, tu ne sens même plus ton entorse.

19h. Le coude soudé au comptoir, les anciens, qui ne disputent plus que les troisièmes mi-temps, commencent à t’expliquer pourquoi le rugby, c’était mieux avant. Quand on ne sautait pas en touche et qu’on prenait trois mètres d’élan pour rentrer en mêlée. Le bon vieux temps…

20h. L’heure du souper. Mais comme « manger c’est tricher » et qu’au rugby on aime pas les tricheurs, on fera sans. Tant pis.

21h. La soirée est bien entamée, et toi aussi. Les langues se délient. Un dirigeant qui vit le rugby par procuration vient te parler à bout portant, la main sur ta nuque, te parfumant au passage d’une délicate odeur de whisky. À l’autre bout du bar, ton pilier, les yeux jaunes comme le pastis et à l’alcool toujours aussi mauvais, commence à vouloir se battre avec le porte-manteau.

22h. Tu commences à réinventer des combinaisons avec ton numéro 10 qui se prend pour Dan Carter. Tu les essaieras dimanche prochain. Mais pas la peine d’en parler à ton entraîneur, il est encore plus bourré que toi.

23h. Le tournant de la soirée. C’est le moment de filer chez toi après avoir reçu une vingtaine de mots doux de ta copine qui t’attend de pied ferme à la maison. Mais pas de bol, le DJ vient de mettre Les Oies Sauvages de Michel Delpech, et tu aimes bien cette chanson. Et puis de toute façon, tu as perdu tes clés.

23h01. Tu feras moins le malin demain matin.

Minuit. L’heure du crime. D’ailleurs, le club-house commence à ressembler à une vraie scène de crime. Par terre, c’est un marécage de pastis. Des glaçons et autres cacahuètes traversent la salle pendant que Coco (car étrangement dans chaque club, il y a un type qu’on surnomme « Coco ») vomit dans un coin. La scène est irréaliste, cataclysmique. Au milieu de ce joyeux bordel, les gros commencent à faire des mêlées. Le reste de la soirée ? Mieux vaut ne pas en parler. D’ailleurs, tu ne t’en rappelles sûrement pas.

Le lendemain, tu te réveilles enfariné, le téléphone rempli de photos bizarres, et tu repars au boulot encore plus fatigué que quand tu l’as quitté. Sans regret. Car c’est bien là le charme de la troisième mi-temps : pas de titulaire ni de remplaçants. Seulement des amoureux fous de leur sport, qui veulent prolonger au maximum le plaisir du dimanche


vevere
vevere
Et pour finir, chacun reprend sa bagnole pour rentrer...
Hubert de Montmirail
Hubert de Montmirail
Il a oublié l'inconsciente copine du pote qui voulais savoir ce qu'était une troisième mis temps et bizarrement elle remet plus les pieds au club :) Très beau récit. Vive notre rugby!
lebison
lebison
A 6h du mat je fais appel au staff de l'asm pour envoyer les premiers joueurs à la corvée de nettoyage !
arnaud famy
arnaud famy
Yanis Dom a cependant oublié la soupe à l'oignon a 3heures du mat
YannisDom
YannisDom
Désolé mais à ce moment de la 3ème mi-temps, j'estime que les Oies sauvages appartiennent à tout le monde, et même à Joe Dassin si ça lui chante.
Derniers commentaires

Connectez pour consulter les derniers commentaires.