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ANALYSE. J'ai tenté une croisée, je me suis fait dézinguer !

Autrefois redoutable, la croisée semble aujourd'hui moins bien marcher. C'est en tout cas ce que j'ai pu constater ce week-end, où je me suis fait dézinguer.

Alexis Brochot 30/09/2021 à 17h00
Si pendant des décennies, la croisée était une véritable arme pour les attaquants, cette tendance semble aujourd'hui révolue.
Si pendant des décennies, la croisée était une véritable arme pour les attaquants, cette tendance semble aujourd'hui révolue.

Ce dimanche, lors d'un match paisible en amateur, j'ai eu la (mauvaise) bonne idée de tenter une croisée avec mon partenaire. Ce dernier, partant en travers, me lève le ballon juste comme il faut pour que je puisse prendre l'intervalle et aller à dame. Problème ? Il n'y avait pas d'intervalle, et je me suis fait recevoir comme il se doit par mon vis-à-vis qui m'a renvoyé sagement de là où je venais. Pourquoi je vous raconte ça me direz-vous ? Eh bien parce que ce simple exemple, au-delà de me rappeler que je ne suis pas invincible, m'a fait réfléchir à l'utilité de la croisée en elle-même. Enseignée dans toutes les écoles de rugby, cette passe a pour but de prendre la défense à contre-pied, grâce à un appel opposé de l'un de vos partenaires. C'est en tout cas ce que veut la théorie, mais en pratique, cela marche-t-il (toujours) vraiment ?

Cette combinaison, très simple à assimiler, faisait autrefois beaucoup de ravages dans les défenses. On ne compte plus les essais fantastiques qui ont été conclus par une croisée, comme par exemple "l'essai du bout du monde" inscrit par la France face à la Nouvelle-Zélande en 1994. En effet, la course en travers du porteur de balle créée de l'incertitude chez les adversaires,  ce qui permet à son coéquipier de transpercer le premier rideau. Mais si autrefois, la croisée était une arme redoutable, est-ce toujours le cas de nos jours ? 

En règle générale, la réponse est non. Alors oui, certains joueurs arrivent toujours à percer grâce à une croisée, mais cette combinaison n'est plus autant à la mode. Souvent utilisée comme leurre par le premier centre qui vient en feinte de croisée avec le 10, cette passe n'a plus la même efficacité qu'auparavant, au contraire de la passe sautée, par exemple. Ce phénomène s'explique d'ailleurs par plusieurs facteurs.

Des défenses mieux adaptées

Tout d'abord, les défenses ont appris à défendre sur cette passe. Bien plus simple à contrer que d'autres combinaisons, les joueurs ont compris au fil du temps comment s'adapter face une attaque qui veut mettre en place une croisée. Il faut, dans cette situation, faire bien plus attention à la zone que vous défendez, qu'au joueur que vous étiez censé prendre à la base. En effet, la croisée est efficace si le défenseur suit la course du porteur de balle en travers, car ce dernier libère un espace dans le rideau défensif. Les défenseurs doivent également bien se parler entre eux, pour ne pas laisser le porteur de balle libre de tout marquage. Une adaptation qui reste néanmoins réalisable, surtout pour des joueurs professionnels, qui communiquent de plus en plus avec leurs partenaires en défense. De plus, si la croisée était aussi dévastatrice il y a quelques années, c'était à cause d'un manque de présence défensif lors des retours intérieurs.

Prenons un exemple concret pour clarifier mes propos : imaginons que le numéro 10 prenne le ballon, et engage une croisée avec son premier centre. Ce dernier, voyant que l'ouvreur en face n'a pas totalement mordu, décide de chercher l'intérieur de ce dernier. Une zone qui peut être dégarnie, surtout si les avants ne font pas l'effort de combler ce trou ! Vous voyez où je veux en venir ? Les avants d'aujourd'hui se déplacent bien mieux, et bien plus rapidement qu'avant. Ils couvrent donc généralement l'intérieur de l'ouvreur, ce qui force les attaquants à ne pas jouer dans cette zone. Chose qui n'était pas forcément le cas il y a encore quelques saisons, où l'on pouvait voir (plus) régulièrement des trois-quarts repiquer au centre du terrain pour tenter de se frayer un chemin à travers les avants.

Des attaques qui tentent moins cette passe

Cette raison est en corrélation avec celle évoquée juste au-dessus. En effet, les attaquants, sachant pertinemment que les défenses sont mieux préparées à cette combinaison, décident d'utiliser davantage des passes sautées, des redoublées ou encore des passes après contact pour créer le danger. Plus risquées, ces phases de jeu favorisent notamment le jeu au large, chose que les entraîneurs souhaitent instaurer de plus en plus. Néanmoins une dernière question pourrait se poser sur la croisée : est-ce simplement à cause des défenses que nous en voyons de moins en moins, ou bien également parce que les attaquants ne la réalisent pas aussi bien que leurs aînés ? Le débat reste ouvert, et aucune véritable réponse ne sera vraiment la bonne.

Bien entendu, la croisée reste toujours très utile pour fixer la défense, surtout lorsqu'une équipe possède un centre très robuste, pour aller chercher la zone du 10. 

Jak3192
Jak3192
Dupont et Nanaï Willians ont du lire cet article ... Et ce soir ils le relisent avec un regard amusé ou goguenard
Sent Junian
Sent Junian
Peut-être aussi parce que les passes-croisées d’aujourd’hui sont bien trop prévisibles et lisibles. Allez voir celles entre André et Guy !
MARCFANXV
MARCFANXV
Si je me fie à la photo, c'est sûr que si le 3 aile côté X adopte la course telle que dessinée; la croisée 10/12 faut la tenter à tous les coups...
AKA
AKA
Ha oui j' avais oubliés les tarés qui en tentent des doubles (et bizarrement çà réussit):https://www.youtube.com/watch?v=xH9FmORmbmc 😁
lebonbernieCGunther
lebonbernieCGunther
Merci à Alexis pour son analyse, mais surtout, si elle était auparavant principalement utilisée dans la zone 10/12/13, donc plutôt dans l'axe, elle est aujourd'hui surtout pratiquée en bout de ligne, pour changer de sens ou finir le travail. Quand elle est mise en place au centre du terrain, c'est pour servir de point de fixation, selon moi. Mais elle n'a pas disparu!
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