News

Paolo Garbisi va-t-il enfin régler les problèmes d’ouvreurs en Italie ?

Paolo Garbisi (20 ans) sera titulaire à l'ouverture face aux Bleus. Un numéro 10 pas toujours évident à porter pour une nation qui cherche désespérément le digne successeur de Diego Dominguez.

Louis Bareyt 27/11/2020 à 18h00
Paolo Garbisi mènera l’attaque italienne ce samedi soir face aux Bleus.
Paolo Garbisi mènera l’attaque italienne ce samedi soir face aux Bleus.

Vingt ans seulement et déjà un lourd héritage à assumer. En enfilant la tunique bleue ciel de la Squadra Azzura vêtue du numéro 10 le 24 octobre dernier face à l’Irlande, Paolo Garbisi a redonné espoir à bon nombre d’observateurs ou autres supporters du rugby italien. Car malgré son jeune âge, celui que l’on présente comme une pépite de l’autre côté des Alpes, a égayé une journée encore maussade pour les transalpins, balayés sèchement par le XV du Trèfle (50-17). Une éclaircie dans la grisaille d’une nation incorrigible, qui cherche en vain à se frayer un chemin au milieu des mastodontes du « Vieux Continent », affichant éternellement les mêmes lacunes, comme rattrapée par ses vieux démons. Alors d’un essai en solitaire, Garbisi a éveillé la curiosité des « aficionados » de notre sport. Au point pour certains de s’enflammer et de le présenter déjà comme le nouveau Mozart de la ligne d’attaque italienne.

Pourtant, ce numéro 10 est un fardeau difficile à porter quand on connaît l’impact et l’influence qu’a pu avoir par le passé Diego Dominguez avec la Nazionale. Dans un pays où le football est roi, l’enfant de Cordoba en Argentine a su fasciner les tifosis de par son élégance, sa justesse technique et son aisance dans l’exercice du tir au but. Après avoir débuté sa carrière internationale sous les couleurs argentines, Diego rejoint l’Amatori Rugby, club basé à Milan. Grâce à une grand-mère italienne, il effectue ses premiers pas sous le maillot transalpin en 1991 et forme alors avec le légendaire Alessandro Troncon une charnière redoutable. Il va participer aux Coupes du Monde de 1995, 1999 et 2003 à l’issue de laquelle il mettra un terme à sa carrière internationale. À l’heure du bilan, l’ancien joueur du Stade Français aura laissé une empreinte indélébile au sein du rugby italien. Fort de 74 sélections pour 983 points marqués, il reste à ce jour et de loin, le meilleur réalisateur italien de tous les temps. Diego ne le sait pas encore, mais il va à ce moment-là laisser toute une nation orpheline de son joyau.

De Pez à Orquera en passant par Allan, l’Italie se cherche un ouvreur

Le poste devenu vacant, les choix pour combler le vide laissé par Diego Dominguez semblent plus ou moins restreints à la veille du Tournoi des 6 Nations 2004. On pense à Ramiro Pez, lui aussi natif de Cordoba possédant la double nationalité ou alors Rima Wakarua d’origine néo-zélandaise. C’est d’ailleurs ce dernier qui tiendra la corde et disputera les premiers matchs de la compétition hivernale. Ne donnant pas pleinement satisfaction au staff de l’époque, il se verra remplacer par Roland de Marigny lors des dernières confrontations pourtant plutôt considéré comme un arrière.Luciano Orquera fait le match de sa vie contre la FranceLuciano Orquera fait le match de sa vie contre la FranceÀ la sortie d’un tournoi ponctué par une avant-dernière place, le constat est terrible mais lucide. L’Italie ne semble pas posséder un ouvreur capable de briller au niveau international. Pourtant une lueur d’espoir jaillit l’année suivante. Alors qu’il a fêté sa première sélection quelques mois auparavant contre le Canada, Luciano Orquera lui aussi naît et ça ne s’invente pas… à Cordoba, jeune ouvreur de 23 ans, est retenu pour disputer le Tournoi des 6 Nations 2005. Du haut de son mètre soixante-et-onze et son excellent jeu au pied, il présente des similitudes avec Dominguez, son illustre aîné. L’Italie croit alors enfin s’être procuré la perle rare. Raté. Tournoi calamiteux, la Squadra Azzura décroche la peu glorieuse cuillère de bois. La valse des ouvreurs reprend alors de plus belle, ce qui ne serait pas sans nous rappeler notre chère équipe de France d’il y a quelques années. Ramiro Pez et Rima Wakarua ressortent du bois la saison suivante.

Puis c’est Andrea Scanavacca qui prend le relais lors du bon 6 Nations 2007. Ramiro Pez le remplace pour la Coupe du Monde en France. Attention la liste suivante pourrait vous donner de sacrés maux de tête. Une pléiade de joueurs plus ou moins spécialiste du poste va alors défiler. On y remarque un panel important de joueurs naturalisés. On retrouve parmi eux Andrea Masi, Andrea Marcato, Luke McLean, Craig Gower ou encore Kris Burton. Un large turn-over qui nous emmène à fin 2011, et le constat est toujours le même : l’Italie manque cruellement de talent à l'ouverture et n’a toujours pas laissé un ouvreur plus d’un an en poste. De 2004 à 2011, pas moins de dix joueurs ont occupé la place sans donner la moindre satisfaction sur le long terme. 

Paolo qui ?

Comme un sentiment d’éternel recommencement, les tifosis se sont alors enflammés à l’annonce de la sélection cet automne de Paolo Garbisi jeune joueur de Trévise de 20 ans. Lui qui avait pour l’anecdote commencé cet hiver par le Tournoi des 6 Nations des moins de 20 ans. Symbole d’une jeune génération italienne talentueuse et pleine de promesses, le joueur devait d’ailleurs mener les siens jusqu’à la Coupe du Monde prévue cet été en Italie, avant d’être finalement annulée, la faute à la crise sanitaire qui frappe le monde actuellement. Une désillusion vite compensée par la joie des premiers pas en équipe première. Et si tant d’espoir sont placés en Garbisi, c’est que le natif de Venise peut s’appuyer sur un parcours linéaire et prometteur.Crédit vidéo : World Rugby 

Il débute à Mogliano avant d’intégrer l’Académie de la Fédération Italienne de Rugby en 2018. Il rejoint Le Petrarca Rugby l’année suivante puis est prêté en fin de saison dernière à Trévise pour deux saisons. L’occasion pour lui de s’aguerrir au contact des formations celtes et sud-africaines. Des débuts prometteurs également avec la Squadra Azzura où malgré les lourdes défaites subies en Irlande et Angleterre, le jeune ouvreur réussit à tirer son épingle du jeu reléguant au passage Tommaso Allan sur le banc des remplaçants. Sa prestation face à l’Écosse est également à créditer d’une bonne note. Propre au pied (4/5) et dans le jeu, le jeune néophyte dégage une sérénité déconcertante pour son âge. De là à en faire déjà le nouveau Diego Dominguez ? Ne nous enflammons pas. La nouvelle figure de proue de l’Italie a du talent, c’est indéniable, mais combien de jeunes joueurs n’ont pas confirmé par la suite les attentes placées en eux ?
Crédit vidéo : Guinness Six Nations 

Le premier exemple qui nous vient en tête est celui de Danny Cipriani. Jeune talent précoce, il devait prendre le relais de la légende vivante Jonny Wilkinson. Après quelques prestations convaincantes, l’actuel joueur de Goucester a ensuite sombré, connaissant également quelques problèmes extra-sportifs certainement liés à une trop grosse pression. Et même s’il a fini par la suite à retrouver un excellent niveau, il n’a jamais pesé au sein du XV de la Rose. Alors certes, la pression est certainement moindre en Italie dans un sport sûrement moins suivi que chez nos voisins anglo-saxons. Mais quand même, la comparaison mérite d’être soulevée. Ne lui brûlons pas les ailes et laissons-le s’épanouir pleinement avant d’évoquer Dominguez. Et surtout, ne pas l’évincer à la première mauvaise performance. En attendant, c’est le XV de France « new look » de samedi qui pourrait bien faire les frais de l’émergence de Paolo Garbisi, à la recherche de son premier succès en sélection nationale.

Aucun commentaire pour le moment...

Derniers commentaires

Connectez pour consulter les derniers commentaires.