News

Pourquoi l'empire du Stade Toulousain est-il (presque) impossible à renverser ? Le constat désabusé d'Altrad

Stade Toulousain : une perfection inaccessible ? Budget, formation, projet de jeu… Mohed Altrad décrypte pourquoi le modèle toulousain reste hors de portée pour la plupart des clubs.

Thibault Perrin 13/12/2024 à 16h15
Stade Toulousain : Une Dynastie Rugby Qui Écrase Tout sur Son Passage. Crédit image : Screenshot CANAL+
Stade Toulousain : Une Dynastie Rugby Qui Écrase Tout sur Son Passage. Crédit image : Screenshot CANAL+

Le Stade Toulousain continue d'écrire son histoire en lettres capitales, dominant la scène nationale et européenne avec une aisance déconcertante. Et des doublés qui marquent les esprits autant que l'histoire de l'ovalie. Pourtant, cette réussite hors normes soulève une question cruciale : qui peut rivaliser avec le club rouge et noir à l'heure actuelle ?

CHAMPIONS CUP. Le Stade Toulousain est-il injouable ? Une domination qui divise les expertsCHAMPIONS CUP. Le Stade Toulousain est-il injouable ? Une domination qui divise les experts Autant sur le plan sportif que financier, Toulouse semble évoluer à des hauteurs inatteignables pour la concurrence. Mohed Altrad, président du MHR, n'y va pas par quatre chemins et livre un constat aussi lucide que désabusé sur la situation pour le Midi Olympique.

Le "paradis" toulousain, une forteresse imprenable

Pour le dirigeant, le secret du succès toulousain réside autant dans l’héritage que dans la gestion actuelle du club. « Les joueurs toulousains vivent au paradis et veulent y rester », souligne-t-il. Malgré les avances financières d'autres clubs, les stars stadistes restent fidèles à leur maillot rouge et noir, portées par une culture de la victoire incomparable. Cette stabilité, couplée à une identité de jeu claire et un palmarès en constante expansion, rend le club quasi intouchable.

Et pour cause : avec un budget qui flirte avec les 50 millions d'euros, largement supérieur à celui de nombreux clubs du Top 14, le Stade Toulousain dispose d’une marge de manœuvre considérable. « À Montpellier, nous avançons, mais il faudra encore beaucoup de temps avant de rivaliser à ce niveau », reconnaît le président du MHR.

Un modèle basé sur le long terme

L’une des forces du Stade Toulousain réside dans sa vision stratégique à long terme. Mohed Altrad n’hésite pas à rappeler l’importance de la formation et de la construction patiente d’un projet de jeu : « Former des joueurs, s’appuyer sur un centre de formation optimal… Tout ça prend des années ! » Un constat qui s’applique à Montpellier comme à d'autres clubs, souvent contraints d’opter pour des solutions rapides mais parfois moins pérennes.

À cet égard, le MHR a misé sur un staff jeune et prometteur pour poser les bases d’un projet solide pour espérer jouer les premiers rôles régulièrement. Et pas seulement de manière sporadique comme en 2022. Mais, comme le souligne Altrad, « l’investissement pur ne suffit pas ». Il faut un écosystème complet et une vision à long terme pour espérer, un jour, atteindre la perfection presque insolente affichée par le Stade Toulousain.

Une domination qui interroge l’équité du championnat

La supériorité du Stade Toulousain pose aussi la question de l'équilibre compétitif en Top 14. Mohed Altrad ne cache pas une certaine frustration face à cette domination sans partage : « Quand on joue contre Toulouse, on a parfois l’impression de s’attaquer à un bunker. » Avec des résultats souvent prévisibles, le suspense, élément fondamental du sport, s’érode. Altrad n’hésite pas à comparer la situation au monde de la boxe, où même les champions peuvent être renversés. Avec Toulouse, l’issue des matchs semble bien souvent écrite à l'avance.

Pourtant, cette domination n’est pas qu’un hasard. Elle est le fruit d’un travail de longue haleine, amorcé il y a une décennie. Le président du MHR rappelle ainsi la décision visionnaire de René Bouscatel d’ouvrir le capital du club pour attirer des investisseurs, permettant à Toulouse de retrouver son lustre d’antan. Une démarche qui, bien exploitée, a permis au club de poser les jalons d’une hégémonie durable.

Une exception difficilement exportable

Mais peut-on vraiment s'inspirer du modèle toulousain ? Pour Altrad, la réponse est sans appel : « Ce modèle ne peut être transposé à la plupart des autres entités du rugby professionnel. » La raison principale ? Les ressources uniques dont dispose le Stade Toulousain : des partenariats solides, des recettes stables et un bassin de talents local exceptionnel.

Certes, certains clubs, grâce à des mécènes puissants, peuvent ponctuellement rivaliser. Mais sur le long terme, ces initiatives se heurtent souvent à des limites financières ou structurelles. Résultat : peu de formations peuvent prétendre s’élever au niveau des Rouge et Noir, ce qui contribue à creuser l’écart au sommet du rugby hexagonal. 

L’avenir du rugby face à l’ogre toulousain

La récente démonstration du Stade Toulousain face à l’Ulster en Champions Cup illustre à nouveau cette domination presque absolue. « Cette équipe joue aujourd’hui presque à la perfection, et cette perfection, elle l’atteindra bientôt », prévient Altrad. Face à un tel rouleau compresseur, seuls des clubs comme le Leinster ou une province néo-zélandaise semblent capables de rivaliser, d'après l'homme d'affaires.

Pour le Top 14, la question de l’équilibre compétitif reste ouverte. Comment maintenir l’intérêt et l'incertitude dans un championnat dominé aux yeux de beaucoup par une seule équipe ? Heureusement, des formations comme le Stade Rochelais ou encore l'UBB montent en puissance et parviennent désormais à s'armer pour pouvoir rivaliser avec Toulouse. Une concurrence à double tranchant : elle offre plus d'incertitudes au sein des compétitions. Mais elle pousse aussi le Stade à redoubler d'efforts pour conserver sa place au sommet.


Le Stade Toulousain est plus qu'un club : il est devenu une institution, un modèle vivant qui inspire autant qu'il intimide. Mais, comme le souligne Mohed Altrad, ce modèle semble réservé à une élite rare. Reste à savoir si, un jour, un outsider parviendra à briser la machine parfaite des Rouge et Noir. En attendant, le Stade Toulousain continue de tracer son chemin… seul en tête (ou presque).

mounjet
mounjet
Il est quand même très drôle Altrad, et il a un peu la mémoire courte... J'ai été éduc au club du mhrc des années 2004 à 2008, à l'époque le centre de formation était le meilleur de France, l'école de rugby marchait du feu de dieu, 4 fantastiques et tout et tout. les générations successives de jeunes pousses écumaient les titres , super challenge, crabos, reichel, espoirs...Qu'en est-il devenu? Quelques choix altradiens plus tard, fi de la formation, fi des joueurs du cru et charrettes de sud afs. Il n'y a qu'à regarder à quel point ce président a massacré la carrière de jeunes prometteurs , comme Illian Perraux ou Pierre Bérard et a obligé des pépites comme le petit Escande à s'exiler ailleurs. Que de temps perdu, pour que la règle des Jiff l'oblige lui et d'autres à remettre de l'ordre dans la pratique...
Guiche
Guiche
En minime, au cœur des eighties, lorsque la catégorie s'appelait encore ainsi, j'avais fait un tournoi à Montauban et rencontré l'équipe du Stade. Quel choc ! Nous avions fait une super saison, et même battu le grand ASB sur ces terres, pourtant déjà dans le couloir le match était perdu. Nous ne jouions pas dans la même catégorie. Nous avions une vraie équipe de rugby : des petits gros en tronche, des grandes gigues en seconde latte, des petits vifs à la charnière et aux ailes et des grands "normaux" en troisième ligne et au centre, des gars de 1m80 pour 75 kg. Au Stade, en remontant le couloir, j'avais eu l'impression qu'ils faisaient tous 1m80, minimum. J'avais eu peur pour mon équipe. Aucun de nos adversaires ne m'avait fait une telle impression. Pourtant dans notre championnat, il y avait le grand ASB, Narbonne ou Carca. Pourtant dans ce tournoi, nous avions côtoyé l'USM ou le SU Agen. Nous étions le petit Montpellier, presque une équipe de village, une bande de fadas, fils d'immigrés à la préfecture qui n'avait même pas peur du grand Béziers. Je ne me rappelle pas du match et de son déroulé. Nous avions perdu, non sans résilience. A cette époque je badais déjà le Stade des Portolan, Cigagna, Gabernet, Charvet et Bonneval qui allait devenir double champion de France, après près de 40 ans sans titre. Leur équipe minime m'avait fait forte impression. C'était peut-être aussi le fait que leur équipe avait un autre jeu de maillots, ils n'étaient pas obligés de jouer avec les maillots maculés de la veille... Quoiqu’il en soit, hormis les gabarits, il y avait déjà un petit truc en plus. Dans l’internat du lycée qui accueillait les équipes, nous avions partagé de bons moments avec les branleurs du TOEC qui nous ressemblaient beaucoup, pendant que l’équipe du Stade s’était isolée de la bêtise ambiante. Déjà une autre approche. Cela aussi m’avait impressionné. En bon capitaine, j’avais timidement tenté un appel à la raison mais on rigolait tellement… Vu de Montpeul, incapable d'apprécier à sa juste valeur le grand rival départemental, le Stade était le but ultime. Aussi à la naissance de mon fils, je disais que je prendrai mon abonnement au Stade pour la saison 2030-31. Il n'a pas voulu faire de rugby, je n'ai pas insisté, le rugby demande de se donner corps et âme, on ne fait pas ce sport pour faire plaisir. Je crois, encore plus aujourd’hui, que le Stade est le summum, que tout pratiquant de petit club rêve d’y jouer, que tout père rêve d’y voir œuvrer son fils. Cela contribue à nourrir le mythe. Plus qu’une référence, le Stade est un rêve commun à beaucoup, proche ou lointain.
p.coutin
p.coutin
Altrad est beaucoup plus intelligent (si on regarde son parcours professionnel) que ce qu'il dit ou de ce qu'il a compris du rugby. Il omet des composantes plus importantes que "des partenariats solides, des recettes stables et un bassin de talents local exceptionnel." Comme par exemple une solidarité et un esprit de famille remarquable pour un club professionnel, une tenue morale qu'on ne retrouve pas partout en ces temps un peu bizarres, une politique éducative rigoureuse envers sa jeunesse. Et une stabilité tant du coté des joueurs, de l'encadrement ou de la direction qui permet une développement sur le long terme et peu d'erreur de recrutement. Bref la solidité à tous les niveaux qui comptent pour être une grande entreprise. Et puis une idée forte : le club avant tout. Il y a de nombreux bassins économiques qui peuvent soutenir un grand club de rugby, Mais pas beaucoup de présidents qui choisissent la construction à long terme. Ceux qui le font sont compétitifs en Top XIV et en Champions Cup. Pas besoin de les citer, Mohed les connait. Et ceux qui prennent ce chemin le seront bientôt. Contrairement à ce que Mohed Altrad dit, l'avance sportive de Toulouse n'est pas si importante. Mais sa structuration économique et humaine leur garanti de rebondir.
Eirikr121
Eirikr121
Il y a beaucoup de facteurs pour pouvoir rivaliser mais le facteur psychologique me paraît essentiel. Toulouse est perçu comme les all-blacks dans le sud ouest. Tout le monde les admire et les envie et bien souvent les regarde un peu jouer. Ça s'entend souvent dans les commentaires d'après match, les gars sont contents d'avoir perdu contre Toulouse s'il ont un peu rivalisé et se trouvent des excuses en cas de défaite, "c'est Toulouse". Les seuls clubs qui parviennent à rivaliser sont ceux qui sont "irrévérencieux" : le Stade Français entre 1998 et 2007 n'avait pas peur des toulousains ce qui leur a offert quelques victoires, tout comme Biarritz (les derniers a avoir gagné une finale contre eux), ou Castres qui parvient à gagner de temps en temps avec beaucoup moins de moyens parce qu'ils ont un mental de chiens de la casse. La Rochelle et Bordeaux ne sont à mon sens pas des rivaux parce qu'ils n'ont pas un mental de "tueur" face à Toulouse. Les dernières finales le montrent bien, il y a toujours eu un craquage psychologique. Pour la coupe d'Europe c'est différent, aucun club (à part Toulouse encore une fois) ne possède une aura suffisante pour "effrayer" ses adversaires. Donc, indépendamment de la qualité des effectifs il sera toujours plus facile pour La Rochelle ou Bordeaux de battre le Leinster que le Stade Toulousain.
jujudethil
jujudethil
Ce qu’il faut retenir, c’est que Toulouse ne s’est pas construit en un jour. Quant à l’équilibre compétitif, on ne va pas faire jouer nos gars avec une main attachée dans le dos pour favoriser la concurrence.👍🏉
Derniers commentaires

Connectez pour consulter les derniers commentaires.