Comme quoi, au rugby plus qu'ailleurs, la vérité du jour n'est pas toujours celle du suivant. Franchement, il y a 2 mois de ça, quel déjanté aurait misé sur le Pays de Galles au moment de désigner la dernière équipe invaincue du Tournoi, la seule, aussi, à être en mesure réaliser le Grand Chelem ? Pourtant, après une première année de mandat catastrophique pour Wayne Pivac, c'est bien ce que sont en train de réaliser les hommes de la Principauté en ce début 2021. Gainés par les retours d'hommes de base de l'ère Gatland tels que Ken Owens, Josh Navidi ou Liam Williams et magnifiés par les nouvelles pépites Rees-Zammit ou Hardy, les Gallois - après un début de Tournoi peu convaincant mais gagnant - ont retrouvé de l'aplomb des années précédentes. En témoignent la déculottée infligée aux Anglais (40 à 24) lors de 3ème journée ou leur dernière sortie en Italie (7 à 48), maîtrisée de bout en bout avec l'instinct de tueur des plus grands. Malgré tout, la plupart de ces résultats restent à nuancer du fait de leur contexte (supériorité numérique contre l'Irlande et l'Ecosse, énorme indiscipline anglaise...) et non, les Gallois ne sont pas imprenables. Bien qu'ils dégagent une impression d'équipe loin d'être géniale mais sans véritable point faible, voici 3 failles que pourrait exploiter le XV de France, samedi à 21h :
Les extérieurs
Dans le feu de l'action, il est parfois difficile de déceler les failles foncières des équipes, c'est vrai. D'où l'ultra-importance de l'analyse vidéo dans le rugby aujourd'hui. Pourtant, s'il y a bien un défaut des Gallois qui saute aux yeux en regardant leurs rencontres, c'est leurs faiblesses défensives sur les extérieurs. Comme beaucoup de ses homologues, l'équipe de Wayne Pivac semble privilégier une défense resserrée au centre du terrain dans le but de croquer l'adversaire, quitte à parfois délaisser quelque peu les couloirs. L'Angleterre, bien que mangée par les ouailles d'Alun Wyn Jones à Cardiff il y a de cela trois semaines, avait notamment été particulièrement dangereuse à chaque fois qu'elle déplaça le jeu jusque sur les ailes adverses. Rien d'anodin, donc, si Watson avait allumé la mèche en première période en étant servi dans les 15 mètres droits, ou que la plupart des occasions franches des Blancs trouvèrent leur origine sur des ballons simplement écartés avec un peu de vitesse et, in fine, des décalages créés pour Jonny May en bord de touche.
Première situation sur laquelle les Gallois laissent un boulevard dans les couloirs et où Rees-Zammit (entouré) doit donc revenir à grandes enjambées sur May, qui ne sera repris qu'à 10 mètres de la ligne. Deux temps de jeu plus tard, Youngs marquait...
A leur crédit, les Gallois avaient souvent pansé les plaies ouvertes par leur système grâce aux retours affamés de North et Rees-Zammit en bout de ligne. A l'envie, au moins trois franchissements de l'ennemi anglais avaient été annihilés comme cela. Mais quand on connaît les intenses velléités de grand large des Français et la qualité de leurs leurres, cela pourrait bien profiter à merveille aux finisseurs Penaud ou Thomas, qui n'ont plus à prouver leur capacité à finir les coups une fois décalés dans le couloir... Écartez !
Même situation mais 15 minutes plus tard. Jonny May est cette fois décalé par Malins et Rees-Zammit trop court pour revenir sur son partenaire de club, qui file tout droit vers l'en-but. Heureusement encore pour les Gallois, c'est ce coup-ci North qui se battra jusqu'au bout pour reprendre l'ailier anglais. Sans conséquence, cette fois...
Les bordures de ruck
Fidèles du 6 Nations dans son intégralité, il ne vous aura certainement pas échappé également que face aux Gallois, l'Angleterre avait également marqué sur valise de Ben Youngs (oui, c'est encore possible) en bordure de ruck. Malgré leur match référence depuis le dernier Mondial ce jour-là, voici la preuve que ce n'était pas non plus une partition parfaite, loin s'en faut. Et les Bleus doivent également s'en inspirer. Car si cet essai de Youngs a marqué d'une pierre blanche cette partie, il n'a fait que conforter l'impression générale donnée par les hommes en rouge depuis le début de la compétition, à savoir que s'ils sont généralement très efficaces sur l'homme en défense, ils ont également tendance à être relativement peu vigilants autour des rucks.
Sur cette image, Halaholo (entouré) laisse un espace important autour du ruck et ne regarde pas du tout le porteur de balle mais la cellule anglaise, ce qui peut s'avérer très dangereux si près des lignes.
Si les errements gallois étaient sans conséquence sur le temps de jeu précédent, cette fois, ce n'est pas le cas. Il n'y a une nouvelle fois pas de garde axiale et ni Halaholo (à gauche) ni Dee ne regardent Youngs. Le demi de mêlée feinte la passe cette fois, et n'a plus qu'à s'engouffrer pour marquer.
En revoyant ce match, il nous est d'ailleurs apparu évident que les Anglais auraient certainement pu davantage appuyer sur cette faille - notamment s'ils avaient eu un demi de mêlée plus vif et joueur - tant la fameuse "zone orbite" autour des zones d'affrontement n'était souvent surveillée que par un seul joueur de chaque côté (majoritairement un "gros"). D'autant que les "gardes 3", n'étaient fréquemment pas à leur poste, soit dans l'axe, lorsque les libérations de balle s'accéléraient, et qu'il en est de même sur les "retours". C'est d'ailleurs via ce type d'action que les Irlandais avaient trouvé la seule vraie brèche lors de leur venue à Cardiff début février, avec l'essai de Beirne lors d'une inversion dans le fermé à 3 mètres du ruck.
Ici, lorsque Murray (encadré en vert) libère, les Gallois Tipuric, Faletau et Williams (en rouge) sont très resserrés et surtout pas vraiment attentifs dans leur côté fermé.
Problème, cette faille avait sûrement dû être décelée à la vidéo par les Irlandais, qui préparent leur inversion par une croisée entre Sexton et Henshaw (encadré). Tipuric (casque bleu) a suivi le ballon mais pas ses acolytes, laissant un trou immense entre eux. C'est justement là que le centre des Verts s'engouffrera pour donner un caviar à Van der Flier, qui débouchera en suivant sur l'essai de Beirne...
Eh oui, le Pays de Galles n'aime pas être bousculé et à ce titre, vous prendrez comme vous voudrez la statistique qui fait d'elle la formation la moins adepte des "sorties rapides" dans ce Tournoi. Vous connaissez tous les qualités d'Antoine Dupont, et maintenant qu'on vous révèle ces données, inutile de vous faire un dessin sur quel point les Bleus pourraient insister dès lors que le match grimpera en intensité. Histoire d'appuyer là où ça fait mal !
Jonathan Davies
Cela peut paraître surprenant, mais l'on peut compter 87 sélections à 32 ans et ne plus être prophète en son pays. C'est le cas de Jonathan Davies, référence mondiale au poste de second centre depuis tant d'années et qui pourtant se voit quelque peu pointé du doigt par la presse galloise, qui nous rend un fier service au moment de dénicher les failles des Rouges. "Un joueur de retour et qui me préoccupe beaucoup est Jonathan Davies en numéro 12, qui, selon moi, est titulaire au regard de son passé plutôt que sur ce que nous voyons réellement en ce moment. Ce qui, en vérité, est loin des normes de classe mondiale auxquelles il nous a habitués ", écrivait le réputé Wales Online cette semaine.
Il est vrai que l'ancien clermontois revient tout juste d'une blessure a la jambe qui faisait suite à d'autres pépins, et n'est, de fait, vraisemblablement pas dans la forme de sa vie, encore plus à un poste qui n'est pas vraiment le sien. Quand bien même son retour a apporté une certaine aura sur ses partenaires et offert un très bon point d'ancrage en premier attaquant, son association avec North serait trop stéréotypée et en manque de mobilité, toujours selon le Wales Online. Ce dernier préconisait d'ailleurs la titularisation du Tongien d'origine Willis Halaholo en 12, ce qui ne sera une nouvelle fois pas le cas ce samedi : "Peut-être que la combinaison Davies-North est un peu trop unidimensionnelle au centre, et que Halaholo offre la classe supplémentaire qui pourrait donner au Pays de Galles l'avantage dont il a besoin à Paris." Reste à Fickou et Vakatawa d'en profiter, et de confirmer par un gros coup qu'ils s'affirment de match en match comme l'une des meilleures paires de centres de la planète.
Merci à Thibault Perrin pour ses montages graphiques de qualité !
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