Les premiers longs déplacements commencent à montrer le bout de leurs nez avec un voyage à Rennes, et maintenant à Poitiers. Deux villes qui m'effleuraient seulement l'ouïe quand la météo donnait la température du lendemain, alors que Domont ne m'effleurait même pas l'esprit. Et pourtant, nouveau club, nouvelle ville, nouveau niveau et nouvelles rencontres. Rencontres humaines et sportives.
Le dimanche, la plupart des gens aiment se lever tard, regarder la télé et manger tranquillement. Surtout quand le froid revient à coup de couteau dans la nuque. Quand tu fais du rugby, tu sacrifies une journée entière pour seulement quelques minutes (80 au mieux) de bonheur. Un long déplacement est comme courir un marathon de 42 km pour à l'arrivée avoir une médaille de format unique donnée à l'ensemble des participants. Mais voici notre journée en terre poitevine.
5h30. "Tu es où ? Arrive"
Un rendez-vous à 5h30 du matin alors que c'est l'heure à laquelle les gens se lèvent pour aller aux toilettes et se recoucher. Cette fois-ci, il ne fallait pas se recoucher. D'ailleurs, le peu de sommeil de la veille m'a permis de ne pas me recoucher. "Faite confiance aux gens, ils vous le rendront", cette théorie fumeuse lancée par des égoïstes. Après tout, les veilles de matchs, il ne faut compter que sur soi-même et désormais, c'est tatoué dans mon hippocampe. La veille a donc été compliquée mais il faut assumer et la demi-heure de retard au départ ne doit pas se faire ressentir à l'arrivée. "Tu es où ? Arrive", la phrase préférée des coachs, malgré eux.
11h30. Repas avec le chauffeur
Je n'ai pas senti un dos d'âne ni même un coup de frein un peu trop appuyé du trajet, Morphée ne m'a pas pris dans ses bras, elle m'a fait une clé de bras. L'arrivée dans un restaurant au-dessus d'un magasin de luminaire était assez cocasse quand on voit certains avant du groupe domontois.
Le repas s'annonce calme, dans un grand lieu de réception avec de la moquette au sol. Comme si Morphée était descendu du bus avec nous. A ma droite, l'ailier de la B et à ma gauche, le chauffeur de bus. Les deux ont un physique plutôt similaire si vous ne prenez pas en compte l'âge, et je sais qu'il faudra se battre pour son bout de gras. En face, les 3 anciens du club avec des surnoms que seul le rugby permet : Kevin, d'origine portugaise, alias "le gros chinois", Christopher, seconde ligne, alias "cahuète" et l'autre Christopher, alias... "Christo". Les discussions tournent autour du rugby, bien évidemment, mais surtout des retours en bus qui font déjà trembler la patte de certains. Les exploits du dernier week-end en terre bretonne n'ont pas fait sourciller une seule seconde le chauffeur à ma gauche.
14h15. Échafaudage
Si vous n'êtes jamais allé à Poitiers autrement qu'au Futuroscope, sachez qu'il n'y a rien de futuriste dans cette ville. Quel culot de parler de "futur" dans cette ville. Le temps n'aidant pas, il faut tout de même jouer après les acteurs de la B qui auront préparé le terrain comme un pain au levain. Les 6h de bus se font ressentir dès l'échauffement, et l'action de la journée revient à notre pilier droit, alias "Mista" :
- Mista ! Tu vas charger encore en mêlée ?! Tu vas reculer encore ?! Ils vont te faire souffrir encore ?!
- OUAIIIIIIIIS
Mauvaise réponse.
15h. One man show
"Je ne suis pas de ceux qui critiquent l'arbitrage, mais là, c'est abusé". Cette phrase illogique que j'ai prononcé à la fin du match s'annule directement en la prononçant. Mais des fois, les arbitres aiment à se montrer en One Man Show : accent du sud, impossibilité de discuter, et pléthores de blagues tout le long du match. Si les spectateurs étaient venus voir du rugby, il fallait se contenter de l'équipe B. Dur. Si vous ne croyez pas aux extraterrestres, il fallait être à Poitiers pour voir un bonhomme vert pendant 80 minutes. 4 jaunes et 1 ou 2 blancs. Même mon talonneur ne boit pas ça lors d'un apéro en plein mois de juillet. L'homme qui a gagné le plus de mètres reste celui qui détenait la loi et le sifflet : notre indiscipline nous a plus fait reculer que l'équipe adverse : "Allez, à 10 !"
- Je rentre à la place du 3.
- Et bien enchanté, bienvenu parmi nous !
18h30. Retour vers le futur
Après une réception "covidé", sous la pluie, 2 tonnelles, un sandwich à la rillettes d'oie, des fruits dans un sac-poubelle et une table, on décide de rentrer. N'ayant pas mis d'énergie sur le terrain, l'équipe allait à coup sûr en mettre dans le retour. Le temps de trajet de 5h est la seule chose qui a empêché ce trajet d'être une épreuve d'Intervilles. Ce qui se passe dans le bus reste dans le bus. Les joies du rugby francilien se trouvent dans ces dimanches aussi longs que l'émission de Drucker. Mais si on pouvait en vivre autant, qui dirait non ?