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ANALYSE. Comment défendre avec la nouvelle règle 50/22 ?

Les nouvelles règles mises en place cet été par World Rugby changent quelques aspects du rugby tel qu’on le connaît. C’est notamment le cas de la règle 50/22.

Alexis Brochot 15/09/2021 à 17h05
La règle 50/22, qui transforme radicalement la manière de défendre du troisième rideau.
La règle 50/22, qui transforme radicalement la manière de défendre du troisième rideau.

Avant de se lancer dans des analyses alambiquées, petit rappel de cette nouvelle règle : depuis le 1er août, lorsqu’une équipe tape indirectement en touche depuis son camp, dans les 22 mètres adverses, cette dernière récupère le lancer. Mais attention, pour que cela se produise, il ne faut pas que cette même équipe rentre la balle dans sa moitié de terrain. Auquel cas, le lancer sera donné à leurs adversaires, comme avant. Éviter de concéder une touche près de sa ligne, voilà donc aujourd’hui l’un des principaux objectifs pour les défenses. Et pour cela, le rôle du triangle de derrière est primordial, d’autant plus lors de phases arrêtées ! Si auparavant, lors de ces situations, la plupart des équipes utilisaient ce qu’on appelle « la bascule » pour défendre le fond du terrain (on appelle bascule un système de défense qui consiste à ce que l’ailier intérieur prenne la place de l’arrière, afin que ce dernier se joigne au premier rideau en bout de ligne afin d’annihiler un éventuel surnombre), il faudra désormais faire autrement. Car un seul joueur présent dans le dernier rideau, ce n’est plus suffisant avec la règle 50/22 !RUGBY. Règle 50/22 : vers la multiplication des ''5/8'' dans un avenir proche ?RUGBY. Règle 50/22 : vers la multiplication des ''5/8'' dans un avenir proche ?En effet, l’arrière ne peut pas couvrir à lui seul les deux lignes de touches : ce dernier risque d’être dépassé et les numéros 10 adverses se feront un plaisir d’occuper ces espaces laissés libres. Mais attention, il ne faut pas pour autant décrocher trop de joueurs de la ligne défensive pour protéger ces lignes : car si vous mobilisez trois joueurs en troisième rideau (exemple : les deux ailiers et l’arrière), des surnombres apparaîtront fatalement dans le premier, et par conséquent, mettront en difficulté la défense. C’est d’ailleurs l’objectif de World Rugby, qui a instauré cette règle pour « dé-densifier » la première ligne de défense, et donc favoriser le jeu à la main. Un casse-tête pour toutes les équipes qui doivent remodeler totalement leur tactique défensive. Comment ces dernières peuvent-elles à la fois garder un premier rideau solide, tout en assurant une bonne couverture du fond de terrain ? C’est à cette question que nous allons tenter de répondre, en s’appuyant sur quelques exemples aperçus lors des deux premières journées de Top 14.

Décrocher l’ailier extérieur ? Loin d’être une bonne idée...

Avant l’arrivée de cette nouvelle règle, les équipes défendaient généralement à quatre joueurs aux larges, lors de phases statiques (sauf quelques exceptions). Autrement dit, le 10, ainsi que les deux centres et l’ailier formaient une même ligne de défense et montaient ensemble rapidement. Mais avec le 50/22, certaines équipes ont pensé décrocher leur ailier extérieur, afin de pouvoir couvrir la ligne touche en cas de jeu au pied, afin que l’arrière couvre lui la ligne de touche intérieure, ainsi que le centre du terrain. Une idée loin d’être judicieuse, car elle déséquilibre totalement le premier rideau, qui se retrouve en sous nombre. Prenons un exemple pour illustrer cela, provenant du match opposant le Lou à l’ASM. Nous sommes à la 36ᵉ minute, quand une mêlée introduction lyonnaise se met en place sur la ligne médiane. Sur la première image, on voit bien que les Clermontois décident de défendre en décrochant l’ailier extérieur Pourailly de quelques mètres, afin de parer un éventuel coup de pied de Berdeu. Quant à l’arrière Rozière, ce dernier choisit de se positionner dans l’axe de la mêlée, dans le troisième rideau. Sauf qu’au lieu d’essayer de trouver une touche, l’ouvreur lyonnais préfère transmettre le ballon à son centre Ngatai. Le Néo-Zélandais saute Veredamu pour alerter Arnold, et trouve par la même occasion un décalage sur les ailes (dû à l’absence de Pourailly dans la ligne). C’est d’ailleurs ce que nous apercevons sur la deuxième image, où le jeune ailier arrive trop tard, laissant la possibilité à Arnold de passer la balle à Dumortier. Ce dernier n’a plus qu’à profiter du boulevard laissé par la défense, avant d’éliminer d’un crochet intérieur l’arrière clermontois et d’aplatir le ballon dans l’en-but.

Ne pas s’occuper de la ligne de touche intérieure ? Pas mieux non plus...

Si l’exemple d’avant nous a bien prouvés quelque chose, c’est qu’il ne faut absolument pas décrocher l’ailier extérieur lors des phases statiques. Sous peine de créer un décalage qui peut être fatal. Comment peut-on donc protéger la ligne de touche extérieure ? Certains ont essayé de positionner l’arrière derrière l’ailier, afin de remédier à cela, décalant l’ailier intérieur au centre du terrain. Une possibilité qui se veut partiellement bonne : car il est en effet intéressant que le numéro 15 se positionne le long de la ligne de touche : cela lui permet non seulement d’éviter à l’équipe d’en face de profiter de cette nouvelle règle. Mais également de pouvoir combler rapidement un éventuel surnombre au large. En revanche, placer l’ailier intérieur au centre du terrain ne semble pas être la meilleure option, car ce serait désormais la ligne de touche intérieure qui serait dégarnie. Cela fut le cas lors du match Toulon-Montpellier : alors que les Toulonnais mènent de 7 points, une touche héraultaise s’apprête à se jouer juste avant la ligne médiane. Maurouard trouve Ouedraogo, qui transmet à Mercer. Ce dernier sert son demi de mêlée Aprasidze qui réussit à trouver une touche à 5 mètres de la ligne toulonnaise. Et comme le Géorgien se trouvait dans son camp au moment de taper, les hommes de Philippe Saint-André ont pu récupérer le lancer. Mais comment se fait-il que la ligne de touche n’ait pas été couverte par les Toulonnais ? Explication en images : tout d’abord, nous apercevons ci- dessous la composition du premier rideau toulonnais lorsqu’Aprasidze décida d’occuper le terrain : on y retrouve le 10, les deux centres ainsi que l’ailier extérieur, Moretti, qui est monté afin de combler le surnombre au large. Une décision juste, mais qui pousse Smaili à s’occuper de la ligne de touche extérieure, et donc à Cordin de couvrir le milieu du terrain. C’est d’ailleurs ce que l’on peut constater sur la deuxième image : Cordin est en retard pour réceptionner le ballon, puisque ce dernier se chargeait du centre du terrain. Une erreur, dont profita le numéro 9 de Montpellier, qui s’empressa de trouver une touche tout proche de la ligne toulonnaise.

Une approximation défensive qui coûta cher au RCT, car elle permit notamment au MHR de s’installer dans les 22 mètres toulonnais, avant que Zack Mercer n’arrache le match nul dans les derniers instants.

Délaisser le centre du terrain, la nouvelle tendance

Après avoir démontré ce qu’il ne fallait pas faire, il serait temps de montrer ce qu’il faut faire ! Tout d’abord, nous rappelons qu’il existe sûrement beaucoup de manières de gérer cette nouvelle règle, et que notre analyse ici n’est qu’une réponse parmi tant d’autres. Toujours est-il qu’il semblerait qu’une tendance se dégage en ce qui concerne la défense du triangle arrière. Reprenons l’exemple que nous avons utilisé précédemment : sur la touche montpelliéraine, l’ailier extérieur Moretti monte avec le premier rideau afin de former une ligne défensive plus compacte. Un bon choix, qui permet d’éviter des situations semblables à celles qu’a connues Clermont face au LOU lors de la première journée. L’attitude de Smaili est aussi bonne ici, puisque ce dernier couvre dans le dos de Moretti, afin d’éviter l’application de la règle 50/22. Sauf que dans ce cas de figure, il aurait fallu que Gervais Cordin couvre la ligne de touche intérieure, afin d’être bien placé si jamais l’équipe adverse utilise le jeu au pied. Les deux côtés auraient donc été protégés, ce qui aurait permis d’éviter cette touche concédée.

Mais ce placement soulève une autre question, qui je sens, vous brûle les lèvres : si l’arrière et l’ailier couvrent les côtés, qui s’occupe du centre du terrain ? Eh bien... Personne. En tout cas, pas directement. En effet, on a pu observer lors de ces deux journées que de nombreuses équipes laissaient volontairement le centre du terrain dégarni, car ces dernières privilégiaient les ailes. Une stratégie qui paye, car même lorsque les joueurs adverses tapent dans cette zone, l’ailier intérieur ainsi que l’arrière ont tout de même le temps de revenir se saisir du ballon, sans subir trop de pression. À noter que cette règle met les équipes à mal surtout lors des phases statiques, comme les touches ou les mêlées. En effet, lors du jeu courant, le premier rideau est bien plus dense, ce qui permet aux équipes de pouvoir bien mieux quadriller le reste du terrain.

Si cet article apparaît assez tôt dans la saison, il serait intéressant de suivre l’évolution des défenses de notre championnat, pour voir comment ces dernières s’adaptent sur la durée. D’autant plus que si les défenses ont compris l’enjeu, il semblerait que les attaquants, eux, ne pensent pas toujours à utiliser cette règle. À voir lorsque les ouvreurs se seront habitués à cette règle, comment ces derniers orienteront le jeu.

etutabe
etutabe
Article intéressant et qu'il conviendra d'actualiser comme indiqué dans le dernier paragraphe
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