Pour le deuxième, mais premier, match de l'Autumn Nations Cup, le XV de France s'est imposé en Écosse sur le score de 15 à 22. Le match n'a pas emballé les observateurs et amateurs de jeu, mais la victoire est présente. C'est sûrement le plus important quand on sait que les Bleus n'ont pas gagné à Murrayfield depuis bien longtemps, et la dernière défaite lors du Tournoi des 6 Nations 2020 aurait pu faire mal à cette jeune équipe. Mais, pour ne pas réiterer les mêmes erreurs, les Bleus ont décidé de déclarer la guerre aux Écossais. Cependant, malgré la pluie, le jeu au pied français est retombé dans ses travers. Stratégie ? Ou mauvaise application ?
La stratégie
On est en droit de se poser une question : le jeu au pied incessant des Bleus était-il compris dans une stratégie ? Mais avant, quelle était cette stratégie ? L'utilisation du jeu au pied dans le rugby moderne est devenue une arme face à des défenses de plus en plus opaques, une chance de les faire reculer. Ça, personne ne l'apprend. Mais pour avoir un bon jeu au pied, il ne suffit pas de bien taper dans le ballon sinon Tameifuna serait sûrement l'un des meilleurs. Premièrement, il faut que le ballon sorte proprement avec des soutiens défensifs efficaces. Mais la lenteur dans ces phases de jeu permet souvent à la défense de se replacer pour mettre la pression. L'autre point est bien évidemment le point de chute, et c'est là que la stratégie entre en jeu.
Dans un système défensif dense et fort, les équipes préféreront laisser le ballon sur le terrain afin d'inverser la pression en montant fort. Plusieurs options sont possibles :
- le fond de terrain adverse décide de remonter le ballon et perd du terrain en tombant face à une défense forte,
- le fond de terrain décide de renvoyer le ballon et perd également du terrain ou la possession (si ballon en touche).
Mais ce dimanche, le XV de France n'a pas vraiment gagné au jeu au pied. Tout d'abord parce que les botteurs ont décidé de laisser le ballon sur le terrain, mais pas de n'importe quelle manière. Les Bleus ne sont pas allés chercher les angles et les bords de touches, plusieurs ballons sont restés dans le terrain, sans aucune forme de pression. Surtout avec un Stuart Hogg en fond de terrain. Mais, on dira merci à la petite forme de l'Écossais.
Dégagement dans les 22 mètres


Ici, la mêlée est dans les 22 mètres et Antoine Dupont peut facilement dégager en touche. Mais le demi de mêlée décide de laisser le ballon sur le terrain alors que ses avants sont en pleine bataille. On voit bien Stuart Hogg hériter d'un ballon sans aucun joueur bleu à moins de 35 mètres.


La suite de l'action est simple : Hogg décide de monter une chandelle pour mettre les Bleus sous pression, et peu efficaces sur les ballons hauts. On voit les joueurs de la mêlée qui n'ont pas le temps (ou ne font pas l'effort) de s'éclater pour refaire une ligne. Résultat, personne sous le ballon et le placement de Matthieu Jalibert est bien trop loin de la retombée de la chandelle. Hogg gagnera encore 15 mètres avant un bon contre-ruck de Camille Chat.
Dégagement classique
Un autre cas est celui des coups de pied de Thomas Ramos ou Matthieu Jalibert en fond de terrain, sans pression.

Encore une fois, on voit bien que Thomas Ramos n'a pas de pression. Il décide pourtant de taper loin pour faire reculer les Écossais. Le ballon tombe encore une fois en plein terrain et loin de la ligne de touche. Ces ballons pourraient faire du mal à la défense avec un triangle adverse très joueur ou précis au pied. On voit un joueur français monter seul, mais se retourner pour appeler ses coéquipiers à monter plus fort. Thomas Ramos pouvait donc utiliser la chandelle, qui ne permet pas un énorme recul de la défense, mais qui donne a moins un duel à la retombée.
Du jeu au pied même à 50 mètres
L'autre signe que le jeu au pied faisait partie intégrante du plan de jeu, c'est cette action à la 38e. Dupont a un ballon dans les 15 mètres, au niveau des 50, mais décide de taper.


Si c'est l'un des seuls ballons avec de la pression à la retombée et en bord de touche, on voit bien que ce n'est pas forcément dans les dernières habitudes du demi de mêlée. Le ballon n'est pas forcément bon à jouer rapidement avec une défense écossaise en place. Mais les points d'impact français avec de bons soutiens offensifs pouvaient permettre aux Français d'avoir de bonnes rampes de lancement.
Alors, stratégie ?
Si c'est une stratégie, elle n'est pas forcément acceptable. L'abus du jeu au pied pour un joueur est très déconcentrant entre les échanges et souvent, les défenses se relâchent. Ce n'est pas la meilleure stratégie car le ballon n'a jamais été disputé à la retombée, aucune pression sur l'arrière-garde écossaise. De plus, les Bleus ont rendu trop facilement la possession en tapant en plein milieu du terrain, loin des touches. Les Écossais n'ont pas forcément mieux utilisé le jeu au pied. On sentait comme une forme de "prends le ballon, comme ça, je n'ai qu'à défendre".
Bien évidemment, le match est gagné. Bien évidemment, c'est une stratégie qui a marché. Mais avec ce renouveau du XV de France, on a le droit d'être exigeant. Un professeur est souvent exigeant avec un élève car, il sait que des capacités se cachent derrière. Un professeur qui n'en a rien à faire d'un élève en dit long sur les possibilités de ce dernier. Permettons-nous d'être exigeants après des années sans résultats.