Le contexte : un monde en mutation
C’était il y a presque 30 ans jour pour jour. Le 26 août 1995, à Paris, le Conseil international du rugby (IRB à l’époque) décide officiellement de mettre fin à 100 ans d’amateurisme. Un virage à 180°, motivé par la réalité du terrain : les meilleurs joueurs étaient déjà, officieusement, indemnisés. L’hypocrisie ne pouvait plus durer.
La Coupe du monde 1995, marquée par l’épopée sud-africaine, a accéléré la réflexion. Télévisions, sponsors, agents : la manne financière devenait impossible à ignorer. Les stars de l’hémisphère sud menaçaient de rejoindre le rugby à XIII ou de signer pour des clubs étrangers mieux dotés.
La réunion qui a tout changé
Le conseil vient de décider de modifier les règles de participation à notre jeu de rugby. Les règles que l'on appelait autrefois les règles de l'amateurisme. (Bernard Lapasset)
Ce fameux 26 août, les délégués des nations majeures se retrouvent à Paris. L’IRB (devenue World Rugby) met fin à la règle qui interdisait toute rémunération. Les joueurs peuvent désormais être payés, s’entraîner à temps plein, et envisager une carrière professionnelle, comme l’expliquent les archives de l’INA et de World Rugby.
En France, des débats musclés
Dans l’Hexagone, la bascule ne s’est pas faite sans grincements. Les “anciens” défendaient l’esprit amateur, la camaraderie et la troisième mi-temps. Les “modernes” y voyaient une chance de hisser le niveau, de fidéliser les joueurs et de rivaliser avec les puissances étrangères. Comme le résume La Montagne, ce fut un vrai combat idéologique.
Les joueurs vont avoir des contrats pour jouer, pour représenter leur image. C'est bien pour l'évolution du sport et pour pouvoir rivaliser avec l'hémisphère sud. (Philippe Saint-André)
Très vite, les clubs s’organisent : contrats pros, préparateurs physiques, médicalisation renforcée… Le rugby devient plus rapide, plus physique. Les matchs du championnat de France de première division et du Super Rugby montent en intensité. L’écart entre amateurs et pros se creuse à une vitesse folle.
Trente ans après : un bilan contrasté
Aujourd’hui, le professionnalisme a apporté des moyens inédits, des stades pleins, une médiatisation énorme… mais aussi plus de pression, des carrières parfois plus courtes, notamment en raison des blessures, et des enjeux financiers parfois étouffants.
Le jeu a gagné en spectacle, mais peut-être perdu un peu de sa naïveté. Le calendrier est toujours plus long. Avec des internationaux qui participent à toujours plus de compétitions. Et qui regrettent de ne pouvoir se reposer que lorsqu'ils sont blessés.
Trente ans plus tard, le rugby vit toujours de cette décision de 1995. Entre nostalgie des maillots en coton et admiration pour les athlètes d’aujourd’hui, le débat continue. Mais une chose est sûre : ce jour-là, l’ovalie a changé de monde.
