Champions Cup. ASM - ST. Le duel Dupont face à Bézy : quand le maître retrouve l'élève
On aurait pu avoir un duel de feux follets entre deux des meilleurs « hot steppers » de la planète, Kolbe et Cordero. Au lieu de ça, la demi-finale de Champions Cup entre Toulouse et Bordeaux nous offrira un 1 vs 1 entre David et Goliath, puisque le Sud-Af et l'Argentin devraient tous deux évoluer avec le numéro 14 dans le dos. Cheslin Kolbe (1m71 pour 80kg) face à Ben Lam (1m94 pour 109kg) dans leur couloir, c’est un peu la confrontation entre les gabarits les plus opposés qui soit, mais surtout entre deux des meilleurs joueurs de duels du vieux-continent. Principalement de par ses appuis de dingo et son punch de folie pour l’un, de par sa vitesse supersonique et son raffut quasi-bionique pour l’autre, pas besoin de vous préciser qui est qui.
Chacun, dans son style, s’est d’ailleurs affirmé comme l’un des garçons les plus craints du championnat. On a beau en attendre plus du neveu de Pat Lam au regard de ce qu’il faisait en Super Rugby (33 essais en 56 matchs), il n’en demeure pas moins l’un des tous meilleurs casseurs de plaquages du Top 14 à l’heure d’écrire ces lignes, qu’on le veuille ou non. Kolbe ? Quand bien même le petit lutin sud-africain connaît un léger coup de panne en ce moment, il n’en reste pas moins d’une efficacité rare depuis le début de l’exercice 2020/2021 avec 9 essais inscrits en 15 titularisations, toutes compétitions confondues. Autant de qualités qui font que leur opposition de samedi s’annonce explosive, bouillante, détonante… Les superlatifs nous manquent !
Les qualités : Un duel de prototypes
Succinctement, on vous a donc décrit ci-dessus les principales qualités des deux sudistes. Mais pour aller plus loin et soulever les autres points de leur jeu, allons d’abord vers Kolbe, celui qu’on ne présente plus. Vous le savez, l’ailier/arrière de 27 ans est aussi surprenant par sa capacité à enrhumer ses adversaires ballon en main qu’à sa manière de se jeter comme un forcené dans leurs jambes pour annihiler les actions en défense. Un courage et une intelligence technique venant compenser un manque d’épaisseur évident et qui font d’ailleurs du Sud-Africain aux 14 sélections l’un des meilleurs défenseurs de l’Hexagone - si ce n’est plus - à son poste. Également très à l’aise sous les ballons hauts et doté d’un jeu au pied efficace, « Ches » n’a aujourd’hui peut-être aucun véritable point faible, à ceci près que son jeu offensif commence vraisemblablement à être aujourd’hui un peu mieux anticipé par les défenses. Certains voient en ça une occasion pour le Toulousain de se renouveler… Attention tout de même, un coup de génie tout droit sorti du chapeau rôde toujours lorsque l’on parle de Cheslin Kolbe.
Côté Lam, le profil est probablement un peu moins complet. Moins disponible que son cadet aux 4 coins du terrain, le Néo-Zélandais est surtout moins fiable en défense. Pas forcément sur l’homme, où il sait distribuer de solides timbres lorsqu’il s’énerve un peu, mais plutôt sur son placement - et donc la défense collective -; souvent hasardeux, pour ne pas dire maladroit. Pour autant, on l’a dit, son physique de buffle accouplé à ses 10,80 secondes sur 100 mètres font de Ben une vraie lame de rasoir, capable d’asseoir n’importe quel adversaire sur un cad-deb ou sur une percu’ plein fer. De traverser les défenses les plus hermétiques sur un ballon. Au sortir d’un match face à Montpellier en novembre dernier, où l’ancien des Hurricanes avait sorti un exploit individuel fantastique pour débloquer la situation à 3 minutes de la fin, Christophe Urios disait d’ailleurs via L'Equipe : "On sait que c'est un garçon qui marque des essais et surtout des essais parfois improbables avec du champ, de l'espace. Je ne suis pas sûr qu'il y en ait beaucoup qui puissent marquer le même essai (que lui aujourd’hui). Il est dangereux." Très solide du haut du corps, extrêmement difficile à faire tomber grâce à l’épaisseur de ses cuisses également, sachez qu’un Ben Lam lancé dans son couloir fait à peu près le même effet qu’un boulet de canon propulsé à 35km/h. Lui dont les percussions secoueraient un mur en brique (demandez à Arthur Coville).
Top 14. Ben Lam marche sur Coville et Bordeaux roule sur le Stade Français [VIDEO]
La forme du moment : Lam l’intermittent, Kolbe en boitant
Décevant lors de son arrivée (aucun essai lors 7 premiers matchs), Ben Lam a depuis fin 2020 commencé à se proposer davantage dans la ligne d’attaque bordelaise, ne restant plus scotché à son couloir, prenant plus d’initiatives dans le jeu et s’adaptant enfin un tantinet à ce si stratégique Top 14. Finalement et à la surprise générale, le géant s’est plutôt mué en un scintillant passeur décisif qu’en finisseur invétéré. En tout début d’année contre Toulon (par 2 fois), mais aussi le Racing ou encore Clermont et le Stade Français quelques semaines plus tard, le grand tatoué a prouvé sa capacité à débloquer les situations pour mettre sur orbite ses partenaires. A cela s’ajoute aussi 5 essais inscrits en 23 rencontres depuis son arrivée en Gironde; pas incroyable, mais suffisant pour montrer que Lam savait faire la différence, par à-coups. Car c’est bien ça : en France, l’ancien des Hurricanes est pour l’instant un intermittent. Parfois étonnant, parfois très discret comme lors du huitième et de la demie européenne, l’UBB attend probablement plus de celui que l’on annonçait comme le successeur de Semi Radradra à Chaban, notamment lors des matchs couperets.
Top 14. UBB. Ben Lam, enfin dans les pas de Semi Radradra ?
Pour autant, l’international à 7 affrontera un garçon pas forcément en pleine possession de ses moyens non plus. Handicapé par deux vilaines blessures en fin d’année dernière, Kolbe n’a pas vraiment retrouvé la plénitude de ses capacités, comme il l’avouait pour L’Equipe dans la semaine. Et si les tirades un brin sans saveur peinent à vous convaincre, voici la preuve par les chiffres : sur ses 8 premiers matchs de la saison, le meilleur joueur du Top 14 2019 a inscrit 8 essais. Depuis son absence de 6 semaines en plein coeur de l’hiver ? Un seul, en 9 matchs… « Il faut arrêter de le voir comme un soleil. C’est bien beau les statuts, mais le problème du sport de haut niveau, c’est qu’ils sont remis en cause tous les week-ends. Cheslin est bien-sûr un joueur exceptionnel, mais (…) il (a besoin) de se remettre dans le bain », déclarait Ugo Mola en conf' d'après-match au retour de sa première blessure. Il est vrai qu’à force d’avoir été trop bien habitué, on finit vite par être déçu… Reste que c’est lors des grands rendez-vous que les grands joueurs ont pour habitude de sortir de leur boîte. Et croyez-le ou non, mais le duel de samedi entre Kolbe et Lam s’annonce jouissif ! Alors messieurs, passez la balle à l’aile…
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