L'ancien centre du XV de la Rose avance qu'on l'a souvent poussé à retourner sur le pré en dépit de son état de santé et du fait qu'il n'était pas prêt. Les choses ont ainsi empiré jusqu'à ce qu'il ne puisse plus se souvenir de son code de carte bleue, qu'il ne puisse plus écouter de la musique, supporter la lumière du soleil ou bien ses propres enfants. « Les spécialistes m'ont expliqué que j'avais tellement été traumatisé qu'un petit choc aurait pu me mettre K-O. Il fallait que j'arrête tout immédiatement. » Des examens ont en effet révélé que ses fonctions cérébrales étaient désormais à peine au-dessus d'une personne qui a besoin d'assistance.
Témoigner pour faire évoluer les mentalités
S'il avait jusqu'à présent gardé le silence, notamment en raison d'une dépression, un événement récent l'a obligé à se manifester : le retour de Florian Fritz sur le terrain malgré son apparent K-O lors du match de barrage entre le Stade Toulousain et le Racing-Métro :
Florian Fritz a été K-O, il pissait le sang. Il était complétement ailleurs. Il est sorti et un médecin lui a dit de revenir sur le terrain. Il a obéi, mais n'était pas en état de jouer. Je vois des choses comme cela tout le temps. Les fans ont l'habitude de dire 'Wow, c'est un dur'. Nous devons changer les mentalités. Les jeunes joueurs ne comprennent pas les risques de jouer avec des commotions cérébrales. La chose la plus dangereuse, c'est que c'est une blessure qui ne se voit pas. C'est facile de l'ignorer. Et cela arrive trop souvent. »
D'autant plus que les tests informatiques obligatoires en début de saison peuvent être facilement contournés en faisant un score faible facilement accessible en cours d'exercice suite à un choc à la tête. Sans parler des clubs qui ne s'embarrassent pas avec les ordinateurs et utilisent un questionnaire. « La première fois que j'ai été K-O à Montpellier, j'ai répondu que j'allais bien. On m'a demandé si j'avais des vertiges, des maux de tête, si je me sentais fatigué, nauséeux, sur une échelle de 1 à 10. Si ton score est trop élevé, tu restes sur le banc. Tu es conscient du danger, mais tu es payé pour aller sur le pré et jouer. Et tu veux le faire. »
« En France, on te dit que si tu te reposes pendant une semaine, tu iras bien »
Shontayne Hape évoque le fait de débarquer avec le statut international dans un nouveau club et d'avoir tout à prouver. « C'était l'un des plus gros contrats de ma carrière. Il fallait impressionner. Donc j'étais sous pression. » Une semaine après un choc face à Toulon, il est à nouveau sur le terrain. « Cette fois, j'ai été vraiment inquiet ». Il sera mis au repos pendant une semaine. « En France, c'est le tarif. Normalement, c'est entre deux et quatre semaines, mais on te dit que si tu te reposes pendant une semaine, tu iras bien. » Selon lui, les entraîneurs n'accordent que peu d'importance à leur futur. Ce qui compte, c'est ici et maintenant. « Les joueurs sont des morceaux de viande. Quand ils sont trop vieux ou périmés, les clubs en achètent d'autres. » Aujourd'hui, il regrette de ne pas avoir confié son état de santé aux médecins plus tôt alors qu'il doit faire face à des problèmes de mémoire importants.
Il espère que son témoignage fera évoluer les mentalités des joueurs, mais aussi de tous ceux qui les entourent pour prendre ce problème très au sérieux. « Le rugby à XV et à XII ont parcouru pas mal de chemin en ce qui concerne le traitement des commotions, mais il en reste encore beaucoup à faire. » En début de semaine, l'ancien joueur des Chiefs et du Connacht Craig Clarke a lui aussi été forcé de prendre sa retraite à 30 ans après de multiples commotions. En février dernier, Andy Hazell quittait le rugby professionnel dans les mêmes conditions. Le témoignage de Shontayne Hape fait écho à celui de l'ancien international écossais Rory Lamont fin 2013.