Les Bleus au révélateur écossais
À première vue, l’ultime match de préparation contre l’Ecosse pourrait ressembler à un simple tour de chauffe pour les hommes de Saint-André. Il faut rappeler que le XV du Chardon n’a pas gagné à Saint-Denis depuis 99. Mais ça c’était avant que la bande de Vern Cotter ne donne une leçon de rugby à l’Italie et que les Tricolores soffrent un succès probant contre les Anglais. De fait, l’attente est énorme avant cette rencontre. A deux semaines du coup d’envoi du Mondial, seule une victoire nette et sans bavure pourra satisfaire les supporters avec des avants aussi dominateurs qu’il y a quinze jours et un Michalak précis face aux perches et dans la conduite du jeu. « Si la France dispose des Écossais avec la même confiance, elle abordera la Coupe du monde sur une excellente dynamique qui pourrait inquiéter ses adversaires. » Et en particulier l’Irlande, qu'elle n'a jamais battue sous Saint-André, si d’aventure ils l’abordent invaincus.
Le XV de France à l’anglaise
Car ce qui importe au final en compétition, et plus particulièrement dans celle-ci, ce n’est pas tant le beau jeu, mais la victoire. Car « la flamboyance ne fait pas gagner des titres. » Et ça, PSA l’a bien compris, lui qui a régalé face aux Anglais en 91 ou bien en 94 avec l’essai du bout du monde, sans pour autant aligner les succès sur le plan international. Contrairement aux Anglais, qui, durant toute la période où Saint-André a porté le maillot bleu, ont remporté le Grand Chelem à trois reprises et atteint la finale du Mondial. Et ce, non pas en relançant de leurs 22 comme les Français, mais grâce à la puissance de leurs avants comme en 91. « L’Angleterre a atteint la finale cette année-là en pratiquant un jeu loin d’être captivant malgré la présence de joueurs créatifs comme Jeremy Guscott et Rory Underwood. » Le XV de la Rose ne marquera que deux essais lors des matchs couperets, Jonathan Webb faisant le boulot face aux perches pour des succès étriqués. Opter pour un style plus aéré en finale ne leur avait d’ailleurs pas réussi.
Saint-André touche finalement au but
Et s'il n'y avait finalement pas de plan de jeu élaboré mais seulement une volonté de faire dans l'efficacité en s’appuyant sur les avants ?
PSA a assemblé un pack pour accomplir la même chose. Nicolas Mas est Jeff Probyn, un grisonnant pilier qui n’est heureux qu’avec la tête dans la mêlée. Eddy Ben Arous sera Jason Leonard, un jeune qui a encore des choses à apprendre mais qui est agressif, puissant et énergique. Quant à Guilhem Guirado, il ressemble à Brian Moore : ce n’est pas le plus gros des talonneurs, mais il est mobile, précis et c’est un meneur d’hommes. Pascal Pape et Yoann Maestri font autant de dégâts que Wade Dooley et Paul Ackford, de lourds et solides joueurs qui aiment le combat et font leur besogne de deuxième ligne avec efficacité. »
La troisième ligne probable du XV de France composée de Picamoles, Dusautoir et Chouly n’est pas la plus créative, mais celle de l’Angleterre en 91 ne l’était pas non plus : « A grands coups de mauls et de plaquages, elle détruisait plus qu’elle ne construisait ».
Si la France a eu ses moments de gloire sur la scène mondiale par le passé – la demi-finale contre l’Australie en 87, 99 et 2007 face au Blacks en quarts – elle n’a jamais soulevé le trophée Webb Ellis. Pour Gavin Mortimer, Philippe Saint-André poursuit ici le travail amorcé par Bernard Laporte après le revers concédé en 2003 contre l’Angleterre. « On lui a souvent répété que la France ne battrait jamais la Rose à son propre jeu. Et cela a été vrai pendant longtemps. Mais les Anglais ont peu à peu changé leur façon de jouer, notamment en raison de l’évolution de la Premiership. » A l’inverse, le Top 14 reste encore un championnat où la mêlée joue un rôle prépondérant. Après quatre années difficiles, notamment à cause de la fatigue de ses ouailles due à la lourdeur du calendrier, « la vision de PSA semble se réaliser [alors que] l’équipe de France est fraîche, dispo et revigorée avec un pack expérimenté de 30 ans de moyenne, soit un de plus que celui des Anglais en 2003. » Et si « le plus anglophone des entraîneurs français » réussissait à écrire la plus belle page du rugby tricolore en jouant comme les Anglais, et qui plus est chez eux ?