C’est bien connu, le malheur des uns fait bien souvent le bonheur des autres. Dans le monde de la balle ovale, combien furent d’ailleurs les exemples d’ascensions opportunes et acquises au détriment des vicissitudes du concurrent ? De Thierry Dusautoir en 2007, à Peato Mauvaka l’année du dernier titre toulousain, en passant par le feu de paille Ian Madigan au Mondial 2015, on ne les compte plus.
Le week-end dernier, dans les entrailles du LOU et sur la pelouse du Hameau, les blessures conjuguées de Joe Taufete’e et Jeremy Maurouard ont permis à un jeune talonneur australien de faire ses premiers pas chez les professionnels. Entré à 9 minutes de la fin, alors que son équipe avait fait le break grâce à un exploit de Tuisova, Julian Heaven n’a, malgré toute son envie et sa détermination pour sa première, pu empêcher les Rhodaniens de concéder les deux points du match nul après une fin de la rencontre sous le signe de la furia paloise (29 à 29). Sur la dernière action de la rencontre, le néophyte était même invité par Pierre Mignoni à le rejoindre sur le bord du terrain afin de ne pas avoir à gérer la lourde pression d’une ultime mêlée sous ses poteaux : "C’était quand même une expérience incroyable, tempère le principal intéressé. J’ai bien sûr compris la décision de Pierre Mignoni, car c’était une mêlée difficile et c’était pour le bien de l’équipe. Il n’y a aucun problème avec ça". Ce qui n’évita en rien les Lyonnais, réduits à 13, de subir quand même durant l’épreuve de force et d’encaisser l’essai salvateur de Roudil pour les Palois...
Un parcours atypique
Des débuts pas vraiment idéaux, donc, pour un garçon à la trajectoire particulière. Mais qui devraient en amener d’autres. A tout juste 20 ans (il les a fêtés en début de mois), Julian Heaven est en effet un pur produit de la formation... australienne. Remarqué pour ses très belles performances scolaires sous le prestigieux maillot du St Patricks College d’Hunter Hills, New South Wales - qui vit aussi passer les célèbres Matt Burke, Luke Burgess ou Kurtley Beale -, le jeune numéro 2 plia donc bagages pour la France et les Espoirs de Lyon dès l’été 2018, pas encore majeur et sans aucun match en seniors dans les jambes : "J’avais envie de nouvelles expériences et d’apprendre du rugby joué à l’étranger, explique le jeune talonneur. J’ai alors envoyé mon CV et des « highlights » de mes actions au LOU, et ça l’a fait".
Pour autant, tout n’est pas un long fleuve tranquille par la suite pour l’enfant de Gordon, banlieue du Nord de Sydney. Arrivé trop tard en France, Heaven joue trois mois avec les Espoirs du club, mais ce dernier ne peut pas lui faire d’offre contractuelle dans la règle malgré ses qualités évidentes. Bon gré, mal gré, il rentre donc sur son île-Continent natale en suivant, avant un coup de téléphone inespéré venu de l’autre côté de la planète quelques mois plus tard.
Lyon m’a rappelé pour me proposer un contrat espoir pour un an, détaille le principal concerné, puis une intégration au centre de formation pour deux ans après une bonne saison. C’était comme un rêve.
Depuis ? Après deux ans de labeur et une concurrence acerbe chez les U22 avec le solide géorgien Badri Alkhazashvili notamment, le principal intéressé semble s’être définitivement installé au talonnage cette saison. C’est en tous cas l’avis de Pierre Mignoni, qui n’a pas hésité à le faire monter en première dimanche dernier pour le déplacement périlleux du côté de Pau, devant des jeunes du cru et JIFF comme Ilias Perut ou Yanis Charcosset. Une consécration pour le garçon du New South Wales. "C’était une sensation incroyable et une expérience exceptionnelle. Je m’entraîne pour ça depuis longtemps donc je suis vraiment heureux de côtoyer les professionnels, de m’entraîner et d’apprendre à leurs côtés", révèle-t-il le ton enchanté. Avant de confier "espérer qu’il y en ait d’autres cette saison".
Un futur en France ?
Une sacrée promotion pour un jeune étranger d’à peine 20 ans, qui plus est à un poste aussi complexe que celui de talonneur. Mais il faut dire qu’à en croire les vidéos de lui trustant le net sous les couleurs de St Patrick, Julian Heaven dispose de sacrées qualités. Mobile, dynamique, bon lanceur et surtout doté d’une superbe technique individuelle pour le poste, l’ancien talon casqué de la banlieue-Nord de Sydney évolue dans le plus pur style sudiste et à tout pour plaire au staff rhodanien. Selon nos informations, ce dernier serait d’ailleurs dans le groupe du LOU, dimanche, pour affronter Bayonne à Gerland... Quant à son avenir, celui-ci le verrait bien, un jour, en Super Rugby. Le rêve de tout Aussi. Même s’il confie sur ce sujet et dans un français presque parfait "adorer le LOU et se sentir vraiment à son aise en France aujourd’hui".
Et sous quel maillot national, lui qui sera éligible à la fin de son contrat espoir pour trois équipes différentes ? L’Australie naturellement, la France, pourquoi pas, ou alors... l’Espagne, d’où est originaire sa grand-mère ? Malgré deux camps d’entraînement effectués avec le XV du Lion l’an dernier et en tirade de fin, le Lyonnais calme le jeu : "Mon rêve reste tout de même de représenter un jour les Wallabies". C’est tout le mal qu’on lui souhaite.