Précocité, polyvalence et hargne, tels sont les trois mots qui définissent au mieux la carrière de Jules Favre. Ayant fait ses débuts avec les Maritimes en 2018, le trois-quart a su se faire voir aussi bien au centre qu’à l’aile. En constante progression ces dernières saisons, il avait réalisé un début de championnat plus mitigé avant de revenir en grande pompe au début de l’année 2023. Bien installé dans le groupe rochelais à 24 ans, il a disputé son 100ᵉ match au club rochelais le 1er avril dernier contre Gloucester.
Quelques jours avant la demi-finale de Champions Cup contre les Exeter Chiefs, la Rédaction du Rugbynistère l’a rencontré pour évoquer sa carrière.
Bonjour Jules, quel est ton sentiment au sujet des plus de 100 matchs que tu as déjà réalisés du côté du Stade Rochelais à seulement 24 ans ?
C’est…(Il s’arrête.) Je ne sais pas trop comment décrire ça, mais c’est l’impression d’un très beau chemin parcouru. J’ai beaucoup de fierté d’avoir atteint ce nombre de matchs avec le Stade Rochelais. Ils m’ont donné la chance de jouer avec les pros, de le faire sur 100 matchs, mais ça n’est qu’un début. Je suis très content d’avoir atteint ce palier et j’espère qu’il y en aura d’autres par la suite.
Cette précocité te permet-elle d’aborder les gros matchs avec un peu d’expérience désormais ?
Avec le Stade Rochelais, on joue les phases finales chaque année depuis que je suis en pro. Des gros matchs avec de l’enjeu, j’ai eu l’occasion d’en faire. Bon, pas forcément toujours avec de la réussite. (rire) Mais forcément, cette expérience-là commence à peser pour les matchs à venir.
Il y a un an, tu as prolongé au Stade Rochelais jusqu’en 2025. Que penses-tu de ta vie à La Rochelle ?
C’est une ville où je me plais beaucoup. Le club est géré par de belles personnes et je me vois y rester pendant encore quelques années, tant que les dirigeants sont heureux de ce que je fais. Je suis heureux de ce qu’on m’offre et des qualités d’entraînement que j’ai ici.
Cette saison, tu penses que le parcours en Champions Cup peut être aussi beau que celui de la saison dernière ?
Complètement, il peut être aussi beau que l’an dernier. Il ne nous reste plus que deux étapes à franchir. Là, Exeter, c’est une belle équipe ces dernières années en Europe. Sur les phases finales, ils sont toujours au rendez-vous et ils montent en puissance. On s’attend à un très gros combat et à un match dur où il ne faudra rien lâcher pendant 80 minutes. Le but, c'est de ne pas laisser de temps mort ou de trou d’air, car en Champions Cup, ça ne pardonne pas.
Rugby. Champions Cup. Les compositions très attendues de la demi-finale Stade Rochelais/Exeter

Pour Sud-Ouest en janvier, tu avouais être “catastrophique” en début de saison. La faute à une tournée avec le XV de France qui t’avait usée. Comment te sens-tu désormais ?
Ce n’était pas que le Japon en réalité. La saison avait été longue de manière générale et on (les internationaux) a démarré tôt. J’ai été en congés le 15 juillet, donc j’ai eu une saison de presque un an sans interruption. Les gros matchs, les entraînements à haute intensité et le titre de Champions Cup qu’on a bien fêté, tout ça m’a bien usé. Il y a eu beaucoup d’émotions aussi. La tournée au Japon a été dure mentalement aussi, je suis parti, mais je n’ai pas joué. Ensuite, je me suis un peu voilée la face et je n’ai pas assez travaillé pour bien reprendre. J’aurais dû attendre la 3ᵉ ou 4ᵉ journée de championnat pour revenir. J’ai commencé à jouer en étant déjà fatigué, donc mon niveau n’était pas au rendez-vous. Je n'étais pas prêt physiquement, mais une fois que tu es dedans, tout s’enchaîne rapidement. La blessure que j’ai eue en novembre m’a permis de me reposer un peu et de me remettre en route physiquement. Là, depuis janvier, c'est reparti et je me sens bien.
Le staff t'a rapidement fait confiance et t’a laissé enchaîner les matchs...
J’ai su être présent en janvier, pour le championnat et la Champions Cup. Après, c’est un échange avec le staff, il faut savoir donner pour qu'eux te donnent quelque chose en retour. Ils ont confiance en moi, car ils ont vu que j’étais capable de faire quelque chose, au centre ou à l’aile.
Et pour la fin de saison, ton but est d’éviter toute rechute ou de te donner à fond ?
Le but, c'est d’y aller très très fort. On joue sur les deux tableaux, donc il va falloir tout donner pour aller le plus loin possible dans chaque compétition. Justement, je vais tout envoyer sur la fin de saison et je me reposerai bien après. Je ne veux juste pas refaire face à ce que j’ai connu : reprendre trop tôt et me préparer mal. Là, je penserai à me remettre en forme comme il faut. L’erreur ne se reproduira plus.
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Tu as commencé avec Xavier Garbajosa, puis tu gagnes un titre avec Ronan O’Gara. En étant aussi jeune, comment as-tu modifié ton style de jeu pour satisfaire les besoins de ces deux entraîneurs ?
Il n’y a pas de réelles différences. Il y en a quelques petites seulement. Avec Garba’, j’ai été lancé. Il me faisait confiance sur mes qualités de combattant. Par exemple, Ronan dit que je suis un chien. Je ne lâche rien. Donc, (Garbajosa) m’a dit de me concentrer sur ce que je savais faire. Je ne devais pas tenter l’impossible et en jouant, j’ai compris l’importance de cette consigne. Quand tu es jeune, on te demande d’être propre et d’assurer. Après, Ronan a essayé, au contraire, d’ouvrir un peu plus mon jeu. Il veut que je me développe et que je sois un peu plus joueur en attaque. Il me pousse à être acteur du jeu. Après, je pense aussi que cette évolution est venue avec l’âge. En jouant chaque week-end, on se découvre un peu, on tente. Alors que quand tu viens d’arriver, tu fais ce qu’on te dit de faire.
Cette dimension de “chien” comme tu dis, on la retrouve chez de plus en plus d'ailiers. On pense notamment à Gabin Villière. Est-ce que le stéréotype de l'ailier pur finisseur n’est plus d’actualité ?
Aujourd’hui, si tu attends que le ballon vienne sur l’aile, il va peut-être arriver une ou deux fois. Si tu n’es pas capable de faire la différence sur ces deux actions, tu n’apportes pas grand-chose et tu seras rapidement critiqué. Certains peuvent encore se permettre de faire ça, mais il faut des vraies qualités dans ce secteur. Moi, mon profil est atypique. Je dois me déplacer, venir chercher les ballons et aller dans les rucks. C’est ce qui fait ma force dans mon cas. Mais de manière générale, on tend vers des ailiers qui viennent percer au milieu du terrain ou qui se proposent après le demi de mêlée. Avec la vitesse et les appuis des ailiers au cœur du terrain, on prend plus facilement l’avantage face à des avants par exemple.

Depuis un an, tu as fait partie à plusieurs reprises du groupe des 42 joueurs appelés par Fabien Galthié pour le XV de France. Tu penses à la Coupe du monde ?
Forcément, je l’ai dans un coin de la tête. Quand on a été appelé quelques fois, ça donne envie d’y retourner. Puis la Coupe du monde est en France ! Donc, c’est aussi pour ça que je veux finir fort la saison. Je vais essayer de mettre toutes les chances de mon côté pour montrer que je suis là, que je joue bien et que je fais partie des meilleurs. Ça, c’est mon objectif aussi. Je vais toquer à la porte et on verra bien. Pour la fin de saison, je reste concentré avec La Rochelle. On est toujours en course sur deux compétitions et on se donne toutes les chances de remplir l’armoire à trophée.
En équipe de France, il y a des profils qui te ressemblent et il y a d’autres éléments un peu plus “facteurs X”. Ta polyvalence et ta combativité, peuvent-elles être une arme dans cette course à la Coupe du monde ?
Il y a d'excellents joueurs en équipe de France. On parle de Gabin, mais il y a aussi Ethan Dumortier qui a fait de très belles choses pendant le Tournoi des 6 Nations. Puis, il y a Damian Penaud, même pas besoin d’en parler pour louer ces qualités. Face à eux, de toute façon, je ne vais pas réinventer mon jeu. Je fais tout pour m'améliorer sur certains points, mais mon profil, je le garderai toute ma vie. Je ne serai jamais un joueur classe et élégant, un facteur X. Mais bon, on ne sait jamais ! (rire)
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Et ton profil de joueur hargneux, tu penses qu’il peut être décisif de quelle manière au niveau international ?
En se proposant beaucoup et en accumulant les efforts, on peut récupérer un ballon ou obtenir une pénalité qui change le match. À l’inverse, pour les adversaires, ils savent que s’ils viennent dans notre couloir, le contact va être dur. Les ailiers qui arrivent avec la fleur au fusil, ils se font prendre. Des fois, c’est un ballon arraché ou un ruck gagné, ça va vite. On fait attention aux troisième lignes, mais en bout de ligne, on ne s’attend pas à avoir un mec comme ça. Quand tu viens et que ça fout le bordel dans le ruck ou que tu te prends un coup, tu n’as pas envie d’y retourner. Et cette situation peut déboucher à une pénalité dans les 22 adverses, puis à un ballon porté, puis à un essai. Comme je le disais, tout va très vite.

