Ah le monde du rugby et ses formidables histoires humaines si chères à notre coeur… Imaginez un peu que deux des meilleurs amis de la vie jouent dans la même équipe professionnelle. Pas mal, non ? Imaginez maintenant qu’ils aient fait leurs débuts ensemble en coupe d’Europe, qui plus est sous les couleurs du Leinster et face à l’ogre des Saracens, en quart de finale de la compétition. Fantastique ! Imaginez enfin que ces deux larrons aient maintenant effectué leurs débuts internationaux ensemble et qu’ils aient été en lice l’un et l’autre pour être désigné homme du match… On touche à l’irrationnel là !
Et pourtant, c’est bel et bien l’histoire d’Hugo Keenan et Will Connors, les deux meilleurs acolytes de Dublin. Le premier a inscrit deux essais lors de la victoire de l’Irlande sur l’Italie le week-end dernier (50 à 17) et montré toutes ses qualités de vitesse et de belle gestuelle ballon en main. Le second, lui, flanker de son état, n’en a inscrit qu’un mais a aussi réalisé 20 plaquages, effectué une dizaine de courses la gonfle entre les mains et gagné 3 turnovers d’après les médias irlandais. Vous préférez l’or ou le diamant ?
« Will est l'un de mes meilleurs amis, nos pères s'entendent très bien et nous avons grandi ensemble, lançait dans la foulée Keenan pour l’Irish Times. C’était vraiment spécial de faire nos débuts ensemble. (…) C'était une expérience incroyable, digne des rêves les plus fous. Le voir jouer si bien, remporter le titre d’homme de la rencontre, faire autant de plaquages… c'est tout simplement génial. » Avant ça, les deux dernières trouvailles du Leinster avaient déjà connu la fantastique épopée des U20 irlandais en 2016, lorsque les Celtes avaient battu les Baby Blacks en demie et s’étaient donc hissés jusqu’à la finale perdue face à l’Angleterre. Ils avaient également vécu les joies du Seven’s avec l’équipe nationale des Verts il y a quelques années. Ensemble, évidemment.
Les Bleus sont prévenus
Alors, si leur ascension commune et parfaitement simultanée semble tout droit sortir d’un film américain, ne croyez pas que cela se soit fait sur l’autel du manque de réservoir irlandais ou pour leur faire un plaisir ultime. Non, comme l’indique leur parcours et bien que leur éclosion au plus haut-niveau soit assez tardive (ils ont tous deux 24 ans), Keenan et Connors sont des cracks dans l’Eire. Le premier est un joueur foncièrement doué, bon sur les ballons hauts, doté d’une belle pointe de vitesse et d’appuis intéressants, quand l’ancien du Conglowes Wood College est lui un troisième ligne élégant, peut-être un peu moins talentueux que son compère naturellement mais excellent en touche (1m96), pur combattant et plaqueur émérite. Il déclarait d’ailleurs à ce sujet « travailler constamment sur son jeu afin de progresser » dans les colonnes de l’Irish Times.
Et force est de constater que cela paye, puisque « Porridge » (comprenez « bouillie », tiré du temps où il ne mangeait que ça) a depuis la reprise du rugby le mois dernier pris la place de titulaire d’un certain Josh Van der Flier en club comme en sélection. A la surprise générale, après sa masterclass face à une équipe d’Italie présumée plus faible que ses concurrentes, le principal intéressé a été reconduit par Andy Farrell pour évoluer en numéro 7 contre l’équipe de France ce samedi à St-Denis. C’est dire !
Moins d’un an après leur véritable intégration à l’équipe première du Leinster, toujours est-il que les deux larrons en foire seront donc bien présent face aux Bleus ce week-end, et insuffleront à l’Irlande cette vague de fraîcheur dont elle semblait avoir besoin depuis le Mondial nippon l’an dernier. En l’absence de Earls ou Ringrose, la folie dont manque parfois cette formation ultra-structurée pourrait passer par eux. Qu’à cela ne tienne, les hommes de Fabien Galthié seraient bien inspirés de s’en méfier… Histoire de ne pas passer à côté d’une victoire finale dans le Tournoi après laquelle les Tricolores courent depuis 2010 !