Quel autre pays que la Russie et sa partie orientale sibérienne, pouvait nous offrir un profil aussi atypique que celui de Kirill Gotovtsev ? C'est en plein milieu de la Sibérie, dans le village de Bogouchany, que l'actuel pilier droit de Gloucester est né en 1987. Il a grandi durant la chute de l'URSS, ce qui a entrainé une forte période de déflagration économique qui a fortement impacté le pays et rendu sa vie difficile. Dans les colonnes du Daily Mail, il perpétue certains stéréotypes qu'on se fait de cette région : "La vie était dure, il n'y avait pas d'eau courante, l'alcoolisme battait son plein et l'emploi moribond ". "J'ai vécu dans un village à 600 km de Krasnoyarsk. C'était un village très particulier. Des gens partaient en forêt pour cueillir des noix et fruits rouges, et ne revenez pas ! C'était infecté de loups, d'ours, d'animaux dangereux. Les plus chanceux retrouvaient leur chemin au bout de quelques jours ! ". Sacrée ambiance.
Lutteur puis bobeur de haut niveau
Élevé à la dur, obligé de faire fondre la neige pour avoir de l'eau l'hiver, entouré d'amis dont les pères étaient alcooliques, Kirill s'est endurci avec cette vie. Sa mère ne recevait qu'un salaire deux fois par an. Juste de quoi survivre. Pour autant, son rêve était de devenir lutteur professionnel. À tel point qu'il n'hésitait pas à marcher les 3 kms à pied qui séparaient sa maison du gymnase d'entrainement sous -58 degrés Celsius ! À 15 ans, il participait à un championnat régional qu'il gagnait, et se faisait remarquer par un entraineur qu'il l'a pris sous son aile. Il finira médaillé de bronze du championnat russe de lutte libre, mais ce n'était pas suffisant pour représenter la Russie aux Jeux Olympiques (seul le premier y participait). C'est alors que le Bobsleigh lui a tendu les bras.
Trois mois après ses débuts, il participait aux championnats d'Europe. Prévenu le jour même du départ par son entraineur, il laissa sa voiture en catastrophe à l'aéroport qu'il retrouva quelques mois plus tard pleine de neige, la batterie morte, et une facture de parking salée. Malgré tout il ne participa pas aux Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi et dû encore se renouveler. Venait alors le rugby à lui…
De Krasny à Gloucester
Il rencontra en 2014 l'entraineur des Krasny Yar, Igor Nikolaïtchouk, qui lui proposa de jouer dans l'équipe réserve. D'abord pilier droit, il fût décalé en troisième ligne, où il mettait ses talents de lutteur à l'œuvre dans les phases de plaquage. Très vite appelé en sélection russe, il est revenu en première ligne en 2018 et s'est imposé au sein de la sélection en ayant progressé techniquement en mêlée. C'est grâce à la lutte qu'il a pu améliorer sa technique. "La lutte m'a aidé car c'est une sensation. C'est comme l'eau, c'est flexible, rapide. Les mêlées sont techniques et demandent du contrôle, comme la lutte. Il faut comprendre les meilleurs angles à avoir. Ce n'est pas comme en troisième ligne où tu te contentes de plaquer comme un chien ". Présent à la coupe du monde 2019 au Japon, il s'y fait remarquer par le club de Gloucester qui l'engage en 2021.
Un grand tournoi eurasien en prévision avec la Russie et l'Asie ?
"Pour moi, le sport n'est pas juste un travail. C'est la moitié de ma vie. L'autre moitié est la famille. La politique, l'économie, les taxes etc, ça ne compte pas ". Kirill Gotovtsev tentera de qualifier la Russie pour la coupe du monde 2023 en France. En attendant, il s'illustre sur les terrains de Premiership. Improbable quand on sait d'où il vient.