À l’occasion d’une semaine de repos, le Rugbynistère a interviewé Christian Labit. Avant de partir en stage de préparation du côté du Barcarès début août, “Nache” a évoqué avec nous l’actualité. Il évoque sa place à l’US Carcassonne et les travaux réalisés au sein du club qu’il entraîne. Par la suite, il évoque certaines annonces récentes qui ont (déjà) fait parler dans la presse.
Commençons en évoquant la saison passée (NDLR : Pro D2 2021/2022), comment fait-on pour finir 5ème et se qualifier en phase finale quand on est le dernier budget du championnat ?
C’est l’Alchimie, dans ce club, ça prend ou ça ne prend pas. Il n’y a jamais vraiment eu de difficultés ici. C’est mon sentiment en tout cas. À part la première année où on monte en Pro D2, on avait connu quelques difficultés au début, avant d’être quasi certain d’être déjà sauvé dès le mois de décembre. Après, on a terminé plus haut dans le classement les saisons suivantes. Finalement, on arrive à cette année où on est 5e. On est quand même sur une bonne continuité. C’est un club que je connais par cœur, car je le coache depuis la Fédérale 2. J’ai la chance également d’avoir deux présidents (Frédéric Calamel et Benoît Mestre) qui me laissent tenir les rênes. C’est la méthode de fonctionnement que j’assume et dont j’ai besoin. Il faut que je gère le recrutement et que je sois suivi par un staff en qui j’ai confiance. Je ne pense pas qu’on puisse réussir si on dirige une équipe dans la confrontation. La réussite de l’équipe sur ces années, c’est grâce à ce trio.
Quels sont les objectifs cette année pour l’US Carcassonne après s’être qualifié en barrage de Pro D2 pour la première fois la saison passée ?
Chaque année, je dis aux gars qu’il faut faire mieux qu’avant. C’est une manière naturelle de mieux bosser et d’avancer. La saison dernière, on a mis la barre un peu haute avec cette cinquième place. Le but, ça sera d’être quatrième par conséquent.
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Vous ne visez pas la demi-finale directe ?
Forcément, mais on a quand même la volonté de garder les pieds sur terre. On a conscience aussi de notre statut, on sert un peu de club formateur pour les autres équipes. Cet été, certains de nos meilleurs joueurs partent. Il va falloir rebâtir cette saison. On s’était fixé un objectif avec le staff sur 3 saisons. On savait que sur cette période, on avait un groupe qu’on pouvait emmener plus loin. Avec la qualification, c’est ce qu’on a fait. On perd pas mal de joueurs et pas n’importe lesquels. J’ai quand même gardé une ossature, mais bon, on est un peu dans l’énigme. Il faut voir si certains joueurs vont être capables d’accrocher le wagon. Est-ce qu’ils en seront capables ? Est-ce qu’ils s’en donneront les moyens ? En toute honnêteté, je ne le sais pas. Donc, je tenterai d’être plus prudent que les années précédentes.
Ton contrat devrait prendre fin cet été normalement. Finalement, vous êtes toujours là, quelle est votre situation ?
Cette saison, ça sera ma dernière saison au club. J’ai failli ne pas continuer cette saison, car j’étais un peu las du fonctionnement. Pas du club, attention ! Comme je l’ai dit avant, c’est là que je me suis construit en tant qu’entraîneur. Mais je suis fatigué de fonctionner avec des structures dignes d’un niveau amateur. Devoir, en permanence, motiver les hommes dans les conditions qu’on a actuellement, c’est terriblement dur. Par exemple, on n'a pas de clim dans les bureaux où on bosse au quotidien. Alors dans 10 m² sans clim à 4 en pleine canicule, je n’explique même pas… On prend nos voitures pour aller s’entraîner dans un village. J’ai beaucoup dénoncé ça, je me suis même fait taper dessus. Maintenant, ça a avancé, on a une moitié de terrain pour l’entraînement. Ça sera déjà mieux qu’avant. Après, c’est usant. Mais cette année, je reste avec plaisir et je serai à fond. Je suis aussi là pour accompagner le staff, car c’est moi qui les ai fait venir. Mais voilà, c’est annoncé aux présidents. C’est ma dernière année à Carcassonne.
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Et pour la suite, vous avez des pistes ?
J’essaierai de reprendre un autre projet, mais qui doit-être en accord avec mes méthodes. Si j’ai un projet qui s’offre à moi avec ce fonctionnement, je serais partant. Mais j’ai l’ambition de repartir vers de nouveaux horizons et avec un nouveau projet.
Vous parliez de l’importance de votre staff. Comment on performe avec un staff avec les moyens que tu cites ?
Déjà, s’ils sont bons, c'est parce qu’ils acceptent ces conditions. Ils acceptent de travailler avec ce qu’on leur propose. Ensuite, ils ont tout le mérite par rapport aux performances du club. J’ai trois hommes avec moi, j’ai confiance en eux et c’est eux qui bossent le plus. J’ai une reconnaissance absolue envers eux. Ils font en quelque sorte le “taff de merde” pour permettre à l’équipe d’arriver à ses ambitions. Enfin, c’est parce qu’ils acceptent ma manière de faire. En retour, j’accepte leur manière de travailler aussi, c’est un échange. Avec eux, l’équipe peut évoluer dans la continuité.
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Changement de sujet, le 26 juillet sur France Info, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a annoncé que le gouvernement réfléchit à interdire les rencontres sportives de haut-niveau le soir en hiver. Qu’en pensez-vous ?
Pour moi, le rugby, c'est l’après-midi. Au-delà même de l’idée écologique, les meilleurs moments que j’ai pu vivre sur un terrain de rugby, c’était durant l’après-midi. Au-delà du côté personnel, on peut aussi dire qu’un match le week-end en après-midi permet aux gens de venir plus facilement. Même si on est conscient que certains travaillent aussi durant ces jours-là. Après, il y a des enjeux économiques avec les diffusions TV, je le comprends. Mais moi, je trouve qu’il y a presque un côté valorisant à jouer l’après-midi pendant l’hiver par exemple. Parce que lorsqu’il fait -5 °C en hiver, le spectacle n’en est pas vraiment plus grand quand on joue le soir. Parce qu’il y a moins de spectateurs dans les tribunes déjà. Ensuite, quand il fait très froid, on assiste souvent à beaucoup de jeu au pied et à de la défense. D’ailleurs, en hiver, les plus beaux spectacles sont souvent à la Paris La Défense Arena, où le terrain est fermé.
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— franceinfo (@franceinfo) July 26, 2022
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Et pour l’aspect écologique ?
Je ne pense pas qu’il faut voir ça par l’aspect écologique. Par exemple, si on part de ce principe, quand les gamins vont s’entraîner le soir, il faut bien allumer les éclairages. Donc, on doit dire maintenant aux enfants qu’ils ne devront s’entraîner que le mercredi après-midi quand on est en hiver ? Je pense que c’est dommage de vouloir tout changer juste pour des raisons écologiques. Après, je me dis qu’il y a des économies d’énergies et d'écologie à faire ailleurs avant cela.
Mais vous restez quand même favorable aux matchs durant l’après-midi ?
Oui, car ça serait meilleur pour le spectateur et pour la qualité du jeu proposé. Quand il fait froid, le spectacle proposé par les joueurs est moins impressionnant. Puis, on est conscient qu’un dimanche soir en plein hiver, c’est bien plus agréable de le regarder à la maison. Car pour venir regarder un match le jeudi soir à Aurillac quand il fait -5°C ou à Carcassonne en hiver quand le vent se lève, il faut vraiment être passionné. Alors que le dimanche après-midi, ça pose beaucoup moins de problèmes. Il ne faut pas oublier que c’est festif avant tout le rugby.
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Et pour la Pro D2 ? Est-ce que le championnat gagnerait à avoir des matchs l’après-midi ?
Je pense que oui, ça permettrait aux gens de venir au stade déjà. Même l’hiver ! Je me rappelle que quand Carcassonne était en Fédérale, le stade était rempli chaque dimanche. Maintenant, c’est plus compliqué avec les matchs le jeudi et le vendredi soir. Les gens travaillent, les petits vont à l’école le lendemain… Après, c’est dur, car il y a des avantages aussi. Par exemple, en jouant le soir, on peut mieux récupérer le lendemain. Le problème, c’est qu’en faisant ça, on perd les gens. Le week-end, on est plus libre alors que quand les gens rentrent le soir, ce qu’ils veulent, c'est rentrer, manger et se poser. Forcément, à partir de ce moment-là, ça sera toujours plus intéressant de le regarder à la télévision. Après, je ne veux pas cracher dans la soupe non plus. Le diffuseur met les horaires qui l’arrangent et nous, on touche aussi de l’argent via ce dernier. Mais on rentrera toujours plus dans un fonctionnement utile pour les gens en jouant l’après-midi que le soir, et ça avec les matchs le jeudi, on s’en éloigne.
Pour ta dernière saison à Carcassonne, ça serait un rêve de partir en faisant monter le club en fin de saison ?
Je suis un compétiteur. Je n’accepte pas de perdre et ça, c’est dans tous les domaines. Je n’accepterai pas de perdre au ping pong contre toi, contre mon fils ou contre n’importe qui par exemple. Alors effectivement, amener Carcassonne au plus haut des échelons, ça serait un rêve. Après, on garde les pieds sur terre. D’année en année, la Pro D2 est de plus en plus dure. D’autant plus que le plus difficile, ce n’est pas de faire une bonne année, mais de rester en haut sur la durée.