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Jean-Claude Skrela : « Si rien ne se passe, je suis pas sûr qu'on gagnera à nouveau un Tournoi des 6 nations »

Au service du rugby français depuis des décennies, Jean-Claude Skrela porte un regard critique sur les Bleus, le comportement des joueurs et des instances.

Thibault Perrin 22/07/2014 à 14h55
Jean-Claude Skrela fait le bilan avant la retraite.
Jean-Claude Skrela fait le bilan avant la retraite.
Au service du rugby français depuis des décennies, Jean-Claude Skrela, ancien sélectionneur du XV de France devenu Directeur technique national et manager de l'équipe de France à VII, prendra sa retraite dans quelques mois. À 65 ans, l'ancien flanker tricolore porte un regard critique sur les Bleus, le comportement des joueurs et des instances nationales dans les colonnes de Midi Olympique.

« J'aimerais qu'on arrête de taper sur la formation »

Pour Jean-Claude Skrela, la formation n'est pas responsable du faible niveau de Bleus. « Vous vous formez au niveau auquel vous jouez. Regardez nos jeunes deuxième ligne, Ithurria et Singer… Ils font 2 mètres et 110 kilos. Ils devraient jouer en Top 14. » Selon lui, on ne donne pas leur chance aux jeunes espoirs français, et ce aussi bien équipe de France qu'en club. Illustrant ses propos par le recrutement d'Harinordoquy à Toulouse aux dépens de Camara ou Cros. « Ce qui me gêne dans le fonctionnement du rugby actuel, c'est que l'on ne fait pas jouer nos jeunes au plus haut niveau des compétitions internationales pour qu'ils puissent acquérir toutes les compétences de ce jeu, afin que l'équipe nationale soit performante. » Les intérêts de cette dernière divergent clairement de ceux des clubs, lesquelles préfèrent souvent faire appel un joueur étranger, le grand mal du rugby français selon Skrela. Un étranger, c'est « un produit opérationnel tout de suite » que l'on n'a pas besoin de former et dont on peut se séparer s'il ne fait pas le boulot. « Je suis très content qu'un club français soit champion d'Europe, mais toute l'expérience, tous les résultats de ce club (NDLR : Toulon) ne rapportent pas grand-chose à l'équipe nationale ».

Des joueurs qui n'osent plus

Jean-Claude Skrela se place en défenseur de Philippe Saint-André et du staff tricolore. « Les entraîneurs ont essayé de changer beaucoup de joueurs. Ils n'ont pas été conservateurs. Ils ne sont pas désabusés. Ils sont meurtris. » Il voudrait cependant qu’ils osent un peu plus : « Je crois être le dernier sélectionneur à avoir pris un joueur des moins de 19 ans ou 20 ans pour le faire jouer en équipe nationale : Thomas Castaignède, il avait 18 ans. » Il manquerait au XV de France « ces quatre ou cinq joueurs exceptionnels qui font des matchs ». Les internationaux n'osent plus jouer, prendre leurs responsabilités et sortir du carcan des systèmes mis en place en club ou sous le maillot flanqué du coq par « manque d'inspiration ». « C'était la force du rugby français, cette capacité d'aller jouer très vite là où l'adversaire n'est pas. » Aujourd'hui, l'organisation a pris le pas sur la vitesse d'exécution, la continuité et la prise d'initiative. « Ils sont coquins. Ils disent qu'ils ont respecté les consignes. Le problème du rugby français, et il m'en incombe une partie, est que le rugby est entraîné partout. Il n'est pas enseigné. Or, il n'est possible de s'adapter que quand le joueur possède toutes les compétences de ce jeu. »

Les solutions : le modèle anglais ou un club fédéral

Pour permettre aux jeunes d'accumuler du temps de jeu et de l'expérience l'ancien sélectionneur du XV de France d'évoquer la création d'un club fédéral. « S'ils ne peuvent plus jouer dans leur club, il faudra créer un club pour les faire jouer. » Mais dans quel championnat ? Autre solution sans doute moins exotique, faire comme en Angleterre où le quota de joueurs étrangers est très limité. « Ils sont passés par quatre ou cinq années très difficiles, mais ils avaient une Coupe du monde à disputer chez eux... Voilà. Après, il ne faut pas pleurer. Parce que notre équipe nationale ne peut pas faire autre chose qu'avec les joueurs qu'elle a. » Le quota de JIFF n'est pour lui pas une solution. « Vouloir résoudre les problèmes par des règles, ça me gêne. On utilise des artifices. Ce dispositif pourrait être dénoncé par la Commission européenne. » Il aimerait également travail de concert avec les clubs en récupérant les jeunes qui cirent le banc pour qu’ils jouent à VII et deviennent meilleurs.

La signature de Virimi Vakatawa, le pétard mouillé

La politique des clubs n'énerve pas que le DTN. Dans le monde, des pays comme les Fidji voient d'un très mauvais œil leurs meilleurs éléments partir pour la France. Notamment des joueurs de VII alors que se profilent les JO de Rio. Ce qui ne l'a pas empêché de faire signer un contrat fédéral au Fidjien Virimi Vakatawa, lequel devrait d'ailleurs rapidement prendre la nationalité française et pourquoi pas intégrer les Bleus en 2015. « Je pensais choquer les gens, mettre un grand coup de pied dans la fourmilière avec Vakatawa. Mais rien ne s'est passé derrière, même médiatiquement... » Avant de faire comme « toutes les autres nations », Jean-Claude Skrela aurait appelé de nombreux joueurs français, dont Alexis Palisson selon Midi Olympique, en proposant des contrats « à hauteur de ce qu'ils avaient en club ». Sans succès.

Le France n'a pas la culture du VII

Le manager de France Seven regrette le manque d'enthousiasme des joueurs visà-vis du VII et notamment des jeunes qui préfèrent tenter leur chance à XV plutôt que tenter une nouvelle aventure : « Je pense que les joueurs d'aujourd'hui deviennent casaniers. Ils ont leur Playstation, leur copine, leur petit salaire... Je ne suis pas sûr que le jeu rugby soit leur principale motivation. Ils ont leur petit job et ils s'en satisfont. On les installe dans un certain confort. » D'autant plus que les salaires des joueurs de l'équipe de France à VII seraient bien supérieurs à ceux de la Pro D2. « C'est une question de culture ». Séduit par cette discipline où la vitesse d’exécution et la technique priment, il regrette de ne pas avoir intégré le rugby à VII plus tôt dans la structure de haut niveau de la DTN, alors qu’il connaissait les projets olympiques de l’IRB.

Grand Sachem aux sages commentaires
Grand Sachem aux sages commentaires
Concernant les JIFF : « Vouloir résoudre les problèmes par des règles, ça me gêne. On utilise des artifices » . En revanche, il est d’accord pour limiter le nombre d’étrangers dans les clubs. Où est la logique ???
virilmaiscorrect
virilmaiscorrect
Sujet oh combien compliqué ou on a tous notre avis / solution. Déjà si on mettait en palce un système qui ne soient pas "contournable" cela serait bien mieux. Là je parle des JIFF qui a la base est fait pour favoriser l'intégration des joueurs formés en France. Mais quand tu vois que quand un jiff est blessé le joker peut être n'importe qui tu te dis ça sert a quoi ????? Et tous les clubs jouent la dessus. Cela permettrait d'intégrer des jeunes plus tôt. Règle simple tout joueur supplémentaire doit être sélectionnable. Ensuite il me semble quand même que techniquement nos joueurs sont en dessous des autres. Le physique on l'a on est pas non plus des squelettes !!!!! Pour ce qui est du VII c'est un rugby complètement différent du XV. C'est pratiquement du 1 contre 1 permanent alors cela amène des compétences spécifiques mais on ne verra jamais un pilier a VII ou un deuxième ligne. Tant qu'il y aura la peur du résultat dans le Top XIV on aura des matchs cloisonnés. Mettez un championnat sans descente et on verra autre chose et je pense aussi des jeunes.
sapiac76
sapiac76
Vous me faites rire avec vos histoires de franchises.. vous parlez de long terme ea n'avez qu'un argumentaire a court terme... Qui peut dire aujourdhui que toulouse,clermont, toulon,le racing, le stade francais, bordeaux, lyon ne sont pas deja des franchises????? Vous inquietez pas d'ici 5 ans lille aura sa place.. Regardez comment le rugby a evolue en 15 ans et surtout ces 5 dernieres annees.. on est deja en mode franchise Skrela peut dire ce quil veut mais comment blamer les clubs de ne pas faire jouer des jeunes qui sont toute la semaine a paris et ne sentrainent pas avec le groupe??? Et puis il sappuie sur le dernier grand chelem des moins de 20...la il se justifie par un resultat... ce que font tous les entraineurs... ben si il les a vu jouer il ne peux pas nier que la qualite du jeu nest pas beaucoup plus allechante que la grande equipe.. il y a beaucoup de lacunes mais la il a lair de loublier
indy
indy
Le problème de la formation c'est que sur le fond elle s'oppose au professionnalisme : c'est le long terme contre le tout de suite. Même au sein d'un club fédéral il y a souvent des coupures entre les intérêts a plus ou moins court terme des dirigeants et de l'équipe une du club et ceux de la formation locale, il n'y a qu'a lire la liste des mutations ces deux dernières semaines dans l'hebdomadaire jaune ou s'est exprimé Skrela. Le problème des franchises serait bien entendu leur implantation, sauf a en créer une trentaine ce qui serait impossible économiquement et difficile sportivement. Il n'y a qu'a ajouter une carte du Top 14 il y a 10 ans avec celle de la prochaine saison pour s'en convaincre. Le gros hic économique serait un désert à l'est, au nord et dans le grand ouest. La création des Red Dogs de Lille, des Albatros de Vannes ou des Blues de Strasbourg serait économiquement une nécessité au détriment, forcément, de l'ancrage "historique" au Sud du pays et cela le monde du Rugby Français n'est pas prêt de l'accepter. Je sais que c'est toujours facile de critiquer et beaucoup plus ardu de proposer mais au vu de l'état des lieux et des hommes on voit bien que le problème est bien plus profond pour le Rugby Français que la seule Equipe de France qui n'est que le reflet de ce conflit entre les intérêts d'aujourd'hui dictés par les échéances proches (Tournoi, Coupe du Monde 2015) et la construction dans la durée.
Serge Karamazov
Serge Karamazov
Cela fait des années que je pense et milite pour la création d'un "club France", avec des joueurs salariés et formés par la Fédé et qui ne joueraient que la coupe d’Europe, le tournoi, les tournées et la CDM tous les 4 ans. C'est à dire du très haut niveau sur des périodes courtes et avec un temps de préparation adapté. Après le top 14 serait laissé aux clubs et leurs joueurs étrangers. La Fédé le fait bien pour le VII qui, bien qu'aujourd'hui discipline olympique, n'est pas le fond de commerce de la FFR. Après on a les résultats qu'on mérite. Quant aux franchises évoquées par MaxNZ, Jacques Fouroux en parlait déjà il y a plus de 20 ans ! Encore une fois il était visionnaire et avait, à mon sens, raison.
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