En mars 2016, la Cour des comptes avait émis un avis défavorable sur le projet pharaonique de la Fédération française de rugby. On en découvre aujourd'hui les raisons suite aux révélations du site Mediapart. Pour rappel, la FFR souhaite s'affranchir du Stade de France et devenir propriétaire de son enceinte de 82 000 places, avec pelouse et toit rétractables. Un projet à plus de 600 millions d'euros soutenu notamment par l'État, et plus particulièrement son Premier ministre Manuel Valls.
Coup dur pour le Grand Stade de la Fédération Française de RugbyCe dernier était d'ailleurs présent le 24 juin 2016, lorsque le président de la FFR Pierre Camou a signé le contrat constructeur. Et par la même occasion le premier contrat d'intérêt général de France, signifiant que l'État était engagé à hauteur de 75 millions d'euros sur cinq ans. Une preuve de la bonne santé du projet diront certains. Mais pour les magistrats de la Cour des comptes, le problème se situe autant dans le financement que dans la capacité du Grand Stade à être rentable pour couvrir les dépenses liées à sa construction.
La FFR prend de gros risques
Pour financer ce Twickenham à la française, la FFR veut emprunter 450 millions d'euros sur 20 ans en s'appuyant sur 200 millions de fonds propres : 50 millions ponctionnés sur les caisses - soit la totalité des fonds disponibles de la FFR - et 150 millions levés grâce à des obligations, appelées débentures. Mediapart d'indiquer que la première levée "s'est soldée en février 2014 par un échec cuisant, seuls 350 000 euros ayant été récoltés au lieu des 4,99 millions d'euros escomptés". De plus, ce n'est qu'au terme de la période de remboursement étalée sur vingt années que la Fédération pourra "éventuellement bénéficier des recettes supplémentaires générées par son stade". Cette dernière assure cependant malgré les risques, que le rugby français, et notamment les clubs qui bénéficient de ses aides, n'en pâtiront pas. Encore faut-il que les recettes soient conformes aux prévisions.
GRAND STADE. Serge Blanco défend le projet après l'avis défavorable de la Cour des Comptes
Des calculs erronés ?
Pour faire rentrer de l'argent dans les caisses, la FFR compte s'appuyer sur les prestations d'hospitalités (loges et places VIP). Au Stade de France, les revenus dégagés par ces places - 8 000 contre 14 000 au Grand Stade - sont au bénéfice du consortium en charge de sa gestion. La Fédération évoque un manque à gagner de 5,2 millions d'euros par match soit plus de 30 millions pour 6 matchs programmés à Saint-Denis par saison. Des chiffres que la Cour, qui doute de "la capacité de remplir un tel niveau d'offres" dans l'Essonne, remet en cause. Les calculs s'appuieraient "sur le contrat signé entre la FFR et le CSDF (consortium du Stade de France, ndlr) pour la période 1998-2013, sans prendre en compte la convention en vigueur pour la période 2013-2017". Laquelle est plus favorable à la FFR à l'heure actuelle, et le serait également sur le long terme "sans risque financiers nouveaux pesant sur les finances fédérales", indique la Cour des comptes.
Un financement loin d'être acquis
Autant d'incertitudes qui pourraient remettre en cause ce projet si cher aux yeux de Pierre Camou. Ce dernier n'est d'ailleurs pas assuré de le mener jusqu'au bout en raison des élections programmées en 2017. Sans parler du fait que son principal adversaire, l'ancien sélectionneur du XV de France, Bernard Laporte, y est fermement opposé. À l'heure actuelle, la FFR assure que "son plan de financement est réactualisé périodiquement en fonction des conditions du marché". Elle attend également que les recours contre les permis de construire soient purgés pour avoir "la vraie discussion finale sur le financement" alors que les coûts estimés pour l'aménagement des transports avoisinent également les 500 millions d'euros.
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