Top 14 - A seulement 27 ans, Xavier Chauveau devrait raccrocher les cramponsLe rugby est un sport qui laisse des marques. Physiques bien sûr, mais aussi psychiques. Certains s'en accommodent et jouent à haut niveau jusqu'à approcher de la quarantaine. Pour d'autres, c'est plus dur. Si le rugby tend à niveler les différences, tout le monde n'est pas égal lorsqu'il s'agit des blessures ou de la lassitude. Quand des joueurs comme Dan Carter rempile à 38 ans en Super Rugby, d'autres comme son ancien coéquipier au Racing 92 Xavier Chauveau décident d'arrêter les frais à seulement 27 ans. "J’ai commencé à me poser la question quand j’ai su que je ne continuerais pas l’aventure au Racing 92, mais je voulais connaitre une autre expérience, un autre club, un environnement différent. Je ne regrette absolument pas mon choix, j’ai passé une très bonne année ici (à Agen, NDLR), même si elle ne s’est pas déroulée sur le plan sportif comme je l’aurais voulu." Il explique à ce titre que le confinement n’a pas du tout joué dans sa réflexion. Il avait annoncé sa décision à Christophe Laussucq début 2020. "Je ne voulais pas mettre le club en difficulté dans son recrutement et la préparation de l’année suivante."
À cet âge, on est généralement en pleine possession de ses moyens. Et on vise toujours plus haut. Xavier a connu les sommets avec son club de toujours. Avec les jeunes du Racing tout d'abord. "C’est une émotion toutes particulières de gagner avec des personnes qui sont encore aujourd’hui mes meilleurs amis." Puis les grands avec le titre de 2016 et ce Brennus soulevé à Barcelone devant près de 100 000 personnes après une finale jouée à 14 face à Toulon. "Un souvenir très particulier et des émotions très fortes et contrastées pour moi. Avec l’expulsion de Maxime Machenaud, j’ai imaginé rentrer très rapidement dans cette finale, puis l’attente et le fait d’essayer de rester prêt à rentrer à tout moment, c’était pas évident. Le fait d’être remplaçant était déjà une belle réussite." Même s'il n'est jamais entrée, ce sera sa meilleure saison en termes de temps de jeu avec quinze matchs joués (5 titularisations), dont une demi-finale d'anthologie contre Clermont remportée 34-33. Face à la concurrence du Tricolore Maxime Machenaud puis de Teddy Iribaren, il n'a pas réussi à s'imposer dans la rotation. Son faible temps de jeu dans son club formateur n'est pas la raison principale de son choix. Mais on peut penser qu'il est tout de même lié.
Ce qui a motivé mon choix c’est tout simplement que je prends moins de plaisir à jouer au rugby, et je me suis toujours dit que quand ça m’arriverait il ne faudrait pas que je continue le rugby pour les mauvaises raisons mais que je bascule vers d’autres challenges. Le rugby c'est ma passion, et pour que ça le reste il fallait que je m’arrête maintenant.
Il avoue ne pas avoir que des saisons faciles au Racing. Pourquoi ne pas avoir tenté sa chance avant de signer deux ans à Agen ? "J’ai été sollicité à plusieurs reprises, et en 2017 ça c’est presque concrétisé mais pour diverses raisons finalement ça n’a pas aboutis." Pour certains, la Pro D2 a été un tremplin vers le Top 14 puis le niveau international ? "Je pense qu’il n’y a pas de carrière type. On parle souvent des joueurs qui partent s’aguerrir en Pro D2 pour revenir ensuite jouer en Top 14, et il faut les féliciter. Mais ce n’est pas forcément la seule façon de réussir, l’important c’est d’être convaincu de ses choix." Xavier a connu de la réussite dans ses études puisqu'il a poursuivi une licence d’économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne puis un Master finance. Il a sacrifié quelques entraînements mais a bien préparé son avenir contrairement à d'autres joueurs. Et surtout, c'est lui qui a choisi de raccrocher les crampons. Il est donc "parfaitement en paix" avec sa décision.
C’est une décision à laquelle j’ai murement réfléchis et dont j’ai bien pesé toutes les conséquences. Il y a une petite frustration de ne pas pouvoir jouer ce fameux dernier match et les émotions qui l’accompagnent mais je ne peux pas me plaindre de la situation, j’ai choisi de terminé maintenant à l’inverse d’autres joueurs qui se voient contraint d’arrêter dans ces conditions.
Si le rugby ouvre ses portes à tout le monde. Les places au très haut niveau sont chères. Malgré le travail et l'envie, s'imposer sur la durée est un rêve que peu accomplisse. Jeune, le demi de mêlée ne rêvait pas spécialement de devenir pro. Il faut dire que le Racing 92 de l'époque n'avait rien à avoir avec le club que l'on connaît aujourd'hui et son enceinte de 30 000 places. "Nos entraineurs à l’école de rugby jouaient en équipe première. Nous étions ramasseurs de balles devant 200 personnes à Yves du Manoir lors de leurs matchs. On passait d’ailleurs les 3/4 du match à faire un touché dans l’en-but." Il avait plutôt envie de "passer à l'étape suivante". Du centre de formation, il a réussi à monter chez les pros. Il a également été convoqué avec l'équipe de France U19 sans pour autant concrétiser. "Beaucoup d'appelés mais peu d'élus" disait un certain barbu. Le rugby professionnel ne fait que peu de cadeaux. Il faut savoir en profiter quand ils se présentent.
Il se professionnalise donc évolue et change beaucoup, avec des dérives certes mais aussi des évolutions positives pour tout le monde, il ne faut pas l’oublier. Je suis très reconnaissant de tout ce que le rugby m’a apporté et m’a permis de réaliser, de toutes les personnes incroyables que j’ai rencontrées.
Faut-il pour autant subir cette évolution ? S'il avait le pouvoir de changer quelque chose dans ce rugby moderne, que changerait-il ? "Je ne sais pas ce que je changerai sur la partie sportive. Mais sur l’extra sportif et la formation, je trouve que les clubs devraient renforcer cette obligation aux jeunes joueurs de faire autre chose et de suivre une formation en plus. À ce titre, je trouve que les propositions de Thomas Lombard sur le sujet vont dans le bon sens, même si le fait d’être à Paris facilite beaucoup les choses." Ne pas oublier de se former sur mais aussi en-dehors du terrain. Sans oublier la notion de plaisir. "Malheureusement on l’oublie trop souvent." Désormais, c'est une tout autre carrière qui se présente devant lui. L'après rugby "se dessine doucement. La période est chargée pour moi avec la préparation de mon déménagement et les différentes choses que j’essaye de mettre en place pour la suite." Posé et réfléchi, Xavier Chauveau n'a pas l'intention de bousculer les choses. Le rugby pro semble derrière lui mais il ne ferme pas non plus la porte à l'ovalie. Chez les amateurs ? "Je ne souhaite pas pour le moment me lancer dans une nouvelle aventure mais pour la suite et si l’envie est là pourquoi pas."