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Manoël Dall'Igna : « Je ne me voyais pas repartir pour un, voire deux ans de plus... »

Le capitaine de l'équipe de France de rugby à 7 Manoël Dall'Igna ne terminera pas sa carrière comme il l'avait souhaité. Il nous explique pourquoi.

Antoine Poussin 08/06/2020 à 12h00
Les JO étant incertains, le capitaine de France 7 a préféré tirer sa révérence...
Les JO étant incertains, le capitaine de France 7 a préféré tirer sa révérence...

Manoël, on a appris la semaine dernière que tu mettais un terme à ta belle carrière avec France 7, est-ce une réflexion que tu avais en tête depuis longtemps ?

Petit à petit, ça faisait son chemin dans ma tête, c'est vrai. On vieillit, le corps et l'esprit ont eu leur dose au bout d'un moment. J'ai bien donné, le rugby m'a bien rendu et je pense qu'aujourd'hui, j'ai fait le tour de la question. Pour moi, il s'agissait juste maintenant de participer aux Jeux olympiques et d'arrêter. Mais les choses ont été un peu précipitées...

Pourquoi les Jeux olympiques n'ont-ils justement pas réussi à te faire prolonger l'aventure un an de plus ?

Dans la mesure où l'on n'est pas sûr aujourd'hui que les Jeux olympiques pourront être disputés, je ne me voyais pas repartir pour un, voire deux ans de plus. Mais cette décision est également commune avec la FFR qui veut construire un projet sur l'avenir avec un groupe jeune. Et je ne correspondais pas forcément aux critères. Donc, au final, c'est peut-être mieux comme ça. Et puis, personnellement, depuis deux ans, je sens que je tire pas mal sur la corde. J'ai d'autres projets pour l'avenir, donc je n'ai pas envie non plus de trop user mon corps. Même si c'est dommage bien sûr, car après Rio, je suis parti sur un cycle qui allait me mener à Tokyo. Mais malheureusement, ça ne va pas au bout pour moi. C'est comme ça, ça reste du sport...

Tu t'en vas en étant le joueur tricolore le plus capé en World Series (322 matchs), qu'est-ce que ça te fait ?

Je ne regarde pas trop les chiffres, je me base plutôt sur le parcours effectué par France 7. J'ai eu de la chance de connaître l'ère professionnelle, mais avant, il y a eu des générations à qui l'on doit rendre hommage aujourd'hui pour le travail effectué, notamment celle de Thierry Janeczek. Ils ont posé les premiers jalons de l'équipe de France de rugby à 7. Derrière, nous n'avons été que les pionniers de l'ère professionnelle. Et c'est valorisant d'y avoir cru, car en 2011, tout le monde nous riait au nez quand on disait qu'on allait faire les Jeux olympiques. Aujourd'hui, quand on voit le travail réalisé et les résultats accomplis, on ne peut qu'être fiers d'être allés au bout. On est restés fidèles. Et je pense que l'état d'esprit a changé vis-à-vis du rugby à 7.

Vakatawa...on aurait dit qu'il avait l'étoile qui rend invincible dans Mario Kart !

Des souvenirs, tu dois en avoir des tas avec France 7 ! Si tu devais en ressortir un, ce serait lequel ?

La qualification pour les Jeux olympiques en 2015. On avait réussi à faire le Grand Chelem en remportant les trois tournois européens. On n'avait pas perdu un seul match sur les 18 disputés ! Les Jeux olympiques étaient eux aussi fabuleux, mais on garde ce mauvais souvenir de la défaite en quarts face au Japon qui nous a fait mal. Au final, on ne fait pas une grande compétition. On arrive à sortir de grands matchs comme lors de la première rencontre face à l'Australie (victoire 31-14), mais à côté, on réalise des matchs très pauvres également, comme face à l'Afrique du Sud (défaite 26-0), où on se fait trucider. 

Concernant les souvenirs un peu plus désagréables, outre cette défaite en quarts, il y en a-t-il un autre qui te vient à l'esprit ?

Je pense que je vais dire ma première année avec France 7. J'arrive complètement cramé de la Rochelle où j'ai enchaîné les matchs. Nous sommes en 2011, c'est l'été, je viens tout juste de signer et les tournois européens arrivent. Je dis à Frédéric Pomarel (anciennement coach de l'équipe de France) que je suis fatigué et que j'ai besoin de souffler. Mais il répond qu'il a besoin de moi, donc je n'ai pas d'autres choix que de jouer. Au final, je me fusille la cheville et c'est une blessure qui m'a vraiment embêtée pendant les cinq années qui ont suivi. C'était dur, car je voulais démarrer sur un bon projet et au final, je suis reparti au départ sur quelque chose d'un peu bancal. 
Sur le plan sportif, je garde en mémoire la fin de ma première saison avec l'équipe. On fait une finale lors de la deuxième étape à Dubaï, puis au bout de 4 tournois, on est toujours troisièmes et dans les clous. Mais derrière, on a craqué complètement et on a fait les pires résultats de l'équipe de France de rugby à 7. On prend notamment un 66-0 contre la Nouvelle-Zélande à Glasgow, ça fait toujours mal à la tête !. Mais il faut dire qu'à l'époque, nous n'étions que neufs sous contrat professionnel ! Et sur un tournoi à 7, on part à 14 ! C'était donc compliqué sur la longueur de rivaliser avec une équipe peu expérimentée. 

Tu as connu pas mal de joueurs en équipe de France, lequel t'a le plus marqué ?

VIDEO. Sevens Wellington - France 7. Virimi Vakatawa marche sur les Boks avec un gros plaquage et un sublime essaiVIDEO. Sevens Wellington - France 7. Virimi Vakatawa marche sur les Boks avec un gros plaquage et un sublime essai

Celui qui m'a le plus impressionné sur un tournoi, c'est Virimi Vakatawa à Wellington en 2015. Il a été exceptionnel ! On aurait dit qu'il était dans Mario Kart et qu'il avait l'étoile qui rend invincible ! Personne n'arrivait à le plaquer, il rebondissait sur tous les joueurs... Ses actions, on les retrouve dans tous ses highlights aujourd'hui... Maintenant, d'autres joueurs m'ont aussi marqué comme Terry Bouhraoua, qui a connu sa grande époque lorsque j'ai commencé en 2011-2012. Et en ce moment, on a Tavite Veredamu qui est un joueur exceptionnel également. 

Et en ce qui concerne les adversaires que tu as rencontrés ?

Alafoti Fa'osiliva (Samoa). Il devait faire 115 kilos et courir le 100 mètres en 11 secondes. C'était un vrai monstre. Sinon pour le côté gazé, je vais sortir William Ryder (Fidji), une légende contre qui j'ai eu l'honneur de jouer. Et pour ce qui relève de la gestion du jeu, Tomasi Cama (Nouvelle-Zélande) est celui qui m'a le plus impressionné.

Quels sont aujourd'hui les joueurs avec qui tu conserves des liens forts ?

Jonathan Laugel, Paulin Riva, Samuel Alerte. Je m'entends très bien avec eux. Et pour les plus anciens : Jérémy Aicardi, Jean-Baptiste Bélanger, Vincent Deniau, Jean-Baptiste Gobelet et Steeve Barry. 

As-tu une anecdote que tu voudrais nous faire partager ?

Il y en a tellement... Mais je pense que je vais juste dire Alexandre Gracbling. C'était notre mascotte. Il ne faisait que des conneries ! On aurait dit Pierre Richard ! Sur le terrain, comme en-dehors. Je me rappelle notamment de la fois où il a mis un « cad-deb » à Jarryd Hayne (star du rugby à XIII), qui préparait les Jeux olympiques avec les Fidji. Il arrive donc à le déborder et Hayne est à la traîne pour essayer de le rattraper. Il doit rester 20 mètres, l'essai est inévitable. Dans une dernière tentative, Hayne plonge et touche le bout du pied d'Alexandre. Ce dernier s'effondre sur le ballon et fait un en-avant. Sur le coup, ce n'était pas drôle, mais après ça, on en a beaucoup rigolé. Ce qu'il faut savoir, c'est que dès qu'il arrivait sur le terrain, il se passait quelque chose ! Je me souviens aussi d'un jour à Dubaï où il était rentré contre la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Lors de la première action, il reçoit le ballon, tente un travers, se prend une manchette et termine KO. 

VIDEO. London 7s. Juan Imhoff et Jarryd Hayne punissent les Bleus en attaque et en défenseVIDEO. London 7s. Juan Imhoff et Jarryd Hayne punissent les Bleus en attaque et en défenseEn-dehors du terrain, c'était quelqu'un qui avait un peu de mal avec le professionnalisme. Il lui arrivait souvent d'être en retard. Un beau jour, les coachs en ont eu marre et l'ont pris entre quatre yeux lors d'une séance matinale. L'après-midi, nous avions un nouvel entraînement à 14h et... pas d'Alex ! Puis, au bout d'un quart d'heure, on l'a vu arriver en courant, à moitié habillé, car il sortait de sa sieste et ne s'était pas réveillé à temps... Voilà un peu le portrait du phénomène. Il avait également réussi une fois à cramer son passeport avant de partir en tournée, car il avait eu la bonne idée d'essayer de le faire sécher sur un radiateur...

Je ne voulais pas terminer ma carrière sur le Covid-19...

Il y a aujourd'hui un groupe avec beaucoup de jeunes au sein de France 7, on a parlé du travail réalisé par les générations précédentes, quel message leur as-tu laissé en tant qu'ancien avant de partir ?

Avec le Covid-19, je n'ai pas trop eu le temps de leur parler. J'ai envoyé des petits messages personnels, mais ça s'est arrêté là. Quelque chose doit être organisé en septembre pour ma retraite, on aura le temps de se dire plus de choses à ce moment-là. 

Penses-tu qu'il devrait aujourd'hui y avoir plus de jeunes à venir tenter l'aventure avec France 7, ne serait-ce qu'un ou deux ans ?

Je trouve dans tous les cas que le 7 est un accélérateur de développement pour le rugby. Peu importe la forme que tu veux jouer. Lors d'un entraînement de 7, tu dois toucher autant de ballons qu'en une semaine d'entraînement avec un club de XV. Et puis, on le voit, le 7 commence à rentrer dans le paysage médiatique français et il deviendra dans les années futures une option de carrière au même titre que le XV. En tout cas, il y a aujourd'hui des éléments qui nous laissent penser ça. Maintenant, il faut que les politiques suivent, car ça peut aller très vite... Il suffit d'une seule personne qui n'aime pas le 7 et qui ne croit pas au projet, et tout peut repartir dans le sens inverse. Mais le rugby à 7 étant aujourd'hui un sport olympique, ça intéresse forcément du monde ! Je ne vois pas pourquoi il en serait autrement. Surtout dans un pays comme la France qui a une forte culture rugbystique. 

Pour les anciens, leur as-tu donné tes plans secrets pour tenir les matchs à 35 ans ? 

(Rires). Je ne donnerais pas de conseils, car on est tous différents. Mais personnellement, ce qui m'a permis de tenir, c'est de prendre soin de moi et de me respecter. On est dans un sport où l'on aime bien manger et faire la fête, mais il y a un temps pour tout. Concernant mon cas, je fais de la naturopathie à côté du rugby, et cela m'a beaucoup aidé à comprendre comment le corps fonctionne et de quoi il a besoin. Et c'est un ensemble, si tu es bien dans ta tête, tu es bien dans ton corps, et inversement. 

Concernant ton activité professionnelle, la naturopathie, où en es-tu ?

Je suis diplômé d'une école agréée par la Fédération Française de Naturopathie. Ce qui est difficile en France, c'est que la naturopathie n'est pas reconnue par l'état. Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, une personne peut se retrouver sur le marché du travail avec un certificat de naturopathe en ayant fait trois ans d'études, alors qu'une autre peut arriver dans la même situation en ayant réalisé une semaine de formation sur Internet. Me concernant, je poursuis mes études puisque je suis actuellement en doctorat auprès de l'UCSHE à Anglet. Ça n'a pas été facile de conjuguer ça avec le rugby, mais je ne suis pas le seul dans ce cas-là. À côté, j'ai également un diplôme de préparateur physique spécialisé pour les sportifs de haut-niveau, que j'ai passé pendant mes années de contrat avec la FFR.

Au niveau du rugby, tu retournes à Saint-Jean-en-Royans, le club de tes débuts, pourquoi ce choix ?

Je ne voulais pas terminer ma carrière sur le Covid-19. Et Saint-Jean-en-Royans, c'est mon club formateur. Je veux aujourd'hui leur rendre ce qu'ils m'ont apporté. Le SC Royannais est aujourd'hui en Fédérale 2 et souhaite monter. Pourquoi ne pas les aider à atteindre cet objectif !

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