"Je viens du Sud, et par tous les chemins, j'y reviens" clamait Michel Sardou ou Chimène Badi pour les enfants des années 2000. Pourtant, j'ai décidé de tenter l'aventure dans la région parisienne et plus précisément dans le 95, ce département qu'on ne connaît que par les faits divers si la feignantise médiatique nous prend. Début juillet, je reçois un appel du manager général du Stade Domontois Rugby. Domont ? Un nom qui mériterait d'être une quête dans le Seigneur des Anneaux, mais le rugby a vécu de belles années dans cette ville de 15 000 habitants.
Sans la COVID-19, le club créé en 1969 devait fêter ses 50 ans autour d'une belle fête. Et cette fête était couronnée par l'accession en Fédérale 2 après une belle saison en Fédérale 3. 2006-2007, les Domontois connaissent le trophée Jean-Prat qu'ils termineront à la 3e place, et aux portes de la Pro D2. Sacrée histoire tout de même pour une ville qui compte plus de dos d'ânes que de licenciés. Quelques jours avant le début des entraînements officiels, je décide de tenter l'aventure qui ne fait que commencer. De grands noms sont passés par là : Bakary Meité, Beñat Arrayet, Olivier Missoup, Arthur Gomes ou Fabien Marque.
C'est le grand départ avec un ami de 24 ans désormais, que j'ai connu sur le terrain du Stade Jean Castet de Montesquieu-Volvestre, puis en stage au collège. De quoi faire le tour de la personne. Pour le début, Lydie, une bénévole du club, nous héberge le temps de trouver un logement. L'arrivée se fait pour ma part un vendredi plus tard que prévu avec la SNCF que nous, Français, adorons critiquer. 23h30, je découvre la gare de Domont de nuit, tout comme notre hôte. Discussions, repas et échanges d'amabilité comme un premier date se font. Le lendemain, les joueurs nous invitent à un barbecue de bienvenue qui se terminera par un test de caractère pour les deux petits gamins du Sud. L'histoire restera au Stade Domontois pour légende.
Et le rugby ?
C'était la grande question pour moi, joueur d'Honneur dans le sud de Toulouse. Le rugby à Toulouse jouit d'une image qu'il s'est façonné au fil des années, mais qui a également sculpté mes clichés sur le nord, au-dessus de Saint-Alban. Je pouvais être très chauvin sur mon idée du plus beau jeu et de l'esprit même du rugby dans d'autres régions de France. Certains points peuvent donner raison à ces pensées et d'autres ont détruit mes idées comme un seconde ligne qui prend un ballon de déséquilibre entre le 9 et le 10. Ici, le maître-mot est "pragmatisme" : n'est vrai que ce qui fonctionne réellement. Dans mon idée du rugby, tout fonctionne réellement tant que tu n'es pas seul. Tout se fait sous cette vision du jeu et le coach a déjà compris notre envie de relancer dans des situations impossibles. Le virus me dira si la saison pourra reprendre ou si je vais devoir découvrir les copains en dehors du terrain. Un mal pour un bien vous dîtes ?
Nord vs Sud
Et les joueurs ? "Tu verras, ce sont des athlètes, mais ils n'ont pas la même fibre rugby". Oui, cette phrase peut paraître dure, mais elle est plutôt proche de la réalité. Quand bien même la réalité peut être différente. Le rugby francilien est doté de joueurs physiques et techniques, mais comme une horloge, un petit réglage peut ne pas donner la bonne heure. L'amour du ballon ovale est différent, comme on peut aimer quelqu'un de différentes manières. Il faut juste l'accepter. Le terrain est le cœur de cet amour contrairement au sud où l'affect se joue derrière les balustrades en premier. Combien de joueurs préfèrent jouer dans un petit club car l'ambiance y est plus grande que le niveau ?
Porte de clichés
Mardi, Jeudi, Vendredi. Voici les dates d'entraînements pour un joueur domontois. Je ne me suis jamais autant entraîné en un mois que sur les 2 dernières années. Si les Parisiens sont "aoûtiens", le nombre de joueurs sur le terrain ne reflète pas encore l'étendue du club. Pour nous, est Parisien celui qui vit en Île-de-France. Ici, les joueurs de la B sont plus présents que ceux de la une. Une grande première. Mais le terrain reste le terrain, je suis venu chercher des rencontres et des nouveaux modes de pensées en dehors du pré vert. Les Franciliens ne sont pas de ceux qui restent manger après un entraînement, comme on peut l'avoir dans notre cher Sud adoré. Premièrement, parce qu'il n'y a pas de repas. Deuxièmement parce que les bénévoles se comptent sur le doigt d'une main de manchot. Cependant, les courageux abattent plus de travail que quiconque. Je découvre tout de même un noyau dur de joueurs qui aiment à rester discuter autour d'un verre. Et un noyau du noyau qui aime à rester discuter autour de plusieurs verres. Vous comprendrez dans quel noyau je me situe.
Une scène, deux angles
Je n'ai pas découvert les supporters et l'ambiance des tribunes, mais je suis persuadé que dans n'importe quel coin de l'Hexagone, le rugby oblige une ambiance minimale dans un club. "Si on a 100 personnes aux matchs, c'est bien !" Qu'entends-je ? 100 est un nombre qui représente 1/6 dans mon ancien club de village. Mais il faut effacer tous vos clichés du rugby sudiste et être ouvert à de nouveaux fonctionnements. Le rugby francilien est une aventure qui te fait découvrir des personnes d'un nouvel angle. Comme un réalisateur qui filme une scène avec une deuxième caméra. Je vois à travers cette nouvelle caméra et je viens du Sud, et je peux dire que par tous les chemins, j'y reviendrai le plus tard possible.