Pierre, vous avez été sélectionneur pendant la Coupe du monde 1999, vous souvenez-vous d'un choix particulier que vous avez dû faire ?
Il y a toujours des choix compliqués à faire lorsqu'on est sélectionneur. Mais il ne faut surtout pas oublier avant tout des principes qui sont immuables. À savoir le jeu que l'on veut mettre en place et les joueurs qui sont en adéquation avec celui-ci. Cela reste difficile quand par exemple à un poste, il y a des joueurs de niveau équivalent et au profil commun. À l'époque, le choix le plus difficile pour nous (Pierre Villepreux co-entrainait l'équipe de France avec Jean-Claude Skrela) était sur le poste de demi de mêlée. On avait finalement pris Philippe Carbonneau en premier et Pierre Mignoni en deuxième. Galthié était en concurrence, mais le président de la FFR à l'époque, Bernard Lapasset, ne le voulait pas donc le problème a été résolu comme ça dans un premier temps. Même si par la suite, nous avons fait appel à lui et ça a plutôt bien fonctionné quand on voit jusqu'où on est allé (finale face à l'Australie).
Puisqu'on parle de projet de jeu, l'osmose du groupe vous importe-t-elle plus que les meilleurs joueurs du moment ?
Il faut impérativement privilégier le groupe. Lui faire confiance et l'amener jusqu'au bout. Quand on commence à se poser des questions et à vouloir tout changer, ce n'est jamais bon signe. Et souvent, on perd toute sa crédibilité.
Dans ce cadre-là, est-ce qu'à l'époque, on utilisait déjà beaucoup des joueurs évoluant ensemble en club, pour faciliter les automatismes ?
Quand j'étais sélectionneur, je n'ai pas vraiment eu de cas de figure comme on peut l'avoir avec Parra et Lopez actuellement. Mais il faut évidemment tenir compte de ces associations, ça peut être un véritable plus.
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« Si l'équipe de France gagne, ça sera grâce à Galthié. Si elle perd, ça sera de la faute de Brunel »
Concernant la Coupe du monde qui arrive, comment fonctionneriez vous ? Enverriez-vous les anciens, les jeunes ou un mix des deux générations ?
Si j'étais entraîneur de cette équipe et avec le style de jeu que je voudrais mettre en place, à savoir un rugby de mouvement, j'enlèverais les Maestri, Bastareaud, Guirado et tout un tas de joueurs qui ne collent pas avec ce jeu-là, car ils ne passent jamais la balle ! Ensuite, je prendrais les meilleurs jeunes et je ciblerais à la fois la Coupe du monde qui arrive et celle de 2023. Il faudra bien sûr garder quelques joueurs d'expérience, mais il n'est pas nécessaire d'en avoir des quantités.
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Comment réagir alors à la pression médiatique qui impose certains joueurs, comme c'est le cas aujourd'hui avec Sofiane Guitoune ou encore Sekou Macalou ?
C'est vrai que c'est compliqué à comprendre. Si j'étais à la place de Jacques Brunel aujourd'hui, ce seraient deux joueurs qui m'intéresseraient. En ce qui concerne la pression médiatique, il faut déjà éviter de la créer ! Pour ça, il faut être cohérent dans ses décisions et être capable de les justifier. Maintenant, il faut accepter le fait que tout le monde ne peut pas être d'accord avec toi. Il y aura toujours des gens qui te suivront et d'autres qui te tourneront le dos. Le plus important pour moi, c'est de rester fidèle à ses convictions, à la fois sur le jeu et dans les choix sportifs. Le problème de Jacques Brunel, c'est qu'il se met tout seul dans l'embarras. Quand l'équipe ne fait que défendre (comme face à l'Irlande), il dit qu'elle n'est pas loin. Il faut qu'il soit capable aujourd'hui d'avouer quand son équipe n'est pas au rendez-vous. L'arrivée de Galthié ne va rien arranger...
Pourquoi ça ?
On verra bien ce qu'il va se passer à la Coupe du monde. Mais aujourd'hui, si l'équipe de France gagne ça sera grâce à Galthié, si elle perd, ça sera de la faute de Brunel. Pour moi, la Fédération a choisi Jacques Brunel donc elle doit aller au bout avec lui. Là, ce n'est pas un cadeau que l'on fait à Brunel, ni à Galthié d'ailleurs, qui arrive dans un contexte très compliqué.
« Aujourd'hui, je ferais jouer un maximum de joueurs du Stade Toulousain et de Clermont »
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Une liste de 31 joueurs va être communiquée mardi par Jacques Brunel pour la Coupe du monde, trouvez-vous ce nombre suffisant pour performer sur un tel événement ?
De toute façon, aujourd'hui, il n'y a pas le choix. C'est la règle imposée par World Rugby. Selon moi, c'est largement suffisant.
Si vous deviez effectuer votre équipe, combien de joueurs prendriez-vous par postes ?
Honnêtement, je n'y ai pas vraiment réfléchi. Mais il faut toujours avoir un peu plus de joueurs chez les avants que chez les trois-quarts, et compter aussi sur l'apport de 2 ou 3 joueurs polyvalents. Même s'il ne faut pas trop en avoir ! La compétence au poste étant très importante ! Mais aujourd'hui, je pense que Brunel les tient ses joueurs polyvalents. Des garçons comme Médard ou Huget par exemple derrière peuvent jouer un peu partout. Guitoune possède également cette faculté. Devant, la polyvalence est plus délicate.
Vous parlez de nouveau de Guitoune, il n'a jamais été appelé par Jacques Brunel. Pourrait-il y avoir des surprises dans cette liste ? Et si oui, peuvent-elles impacter le groupe ?
Il ne faut pas l'exclure. Mais pour moi, s'il y a des surprises dans cette liste, elles ne viendront pas de Brunel... Jacques fera confiance à ceux qu'il connaît. Après, je ne pense pas que des pièces rajoutées peuvent perturber l'état d'esprit d'un groupe. Les joueurs sont avant tout là pour jouer. Ils ne se posent pas ce genre de questions. Mais on en revient toujours à la même problématique, c'est-à-dire comment fédérer ces joueurs ensemble pour performer ?
La performance, parlons-en. Quels seraient aujourd'hui les joueurs indispensables au XV de France pour réussir cette Coupe du monde au Japon ?
Je n'ai pas en tête une liste bien précise. Mais personnellement, aujourd'hui, je ferais jouer un maximum de joueurs du Stade Toulousain et de Clermont. D'une part, parce qu'ils sont dans un registre de jeu très intéressant et d'autre part, car ce sont des joueurs en pleine confiance puisqu'ils ont gagné un certain nombre de matchs cette saison.
