News

Pourquoi l'avenir du XV de France passe par le projet France Jeunes ?

Champion du monde avec les U20 en 2018 et 2019, Sébastien Piqueronies est désormais manager ''France Jeunes''.

Lénaïc Ovize 19/08/2020 à 12h00
Sébastien Piqueronies nourrit de grandes ambitions pour les jeunes Tricolores.
Sébastien Piqueronies nourrit de grandes ambitions pour les jeunes Tricolores.

Sébastien Piqueronies, manager de l’équipe de France U20 lors de la victoire en coupe du monde en 2018 et en 2019, a été nommé en 2020, manager « France Jeunes ». Il coordonne les trois équipes de France jeunes (U20, U20 développement, U18) pour veiller à la cohérence dans les équipes, dans le plan de succession ou sur les formes d’entrainement notamment.Les chiffres décevants du temps de jeu des Bleuets après le doublé [ANALYSE]Les chiffres décevants du temps de jeu des Bleuets après le doublé [ANALYSE]

On a regardé les chiffres du temps de jeu des jeunes que vous avez appelé en sélection U20 pour le tournoi. Les jeunes n’avaient jamais aussi peu joué avec l’équipe 1 de leur club (même en tentant de prendre en compte l’arrêt prématuré des compétitions. Avez-vous une explication ?

Ils ont quand même joué. Ils ont moins été exposés je pense. Je n’ai pas envie de généraliser. Chaque cas individuel a une explication en tant que tel. Thibault Debaes (Pau), on aurait pu imaginer que si son club avait été moins en difficulté en championnat, il aurait eu du temps de jeu. Pour Matthias Haddad (La Rochelle), il a été exposé très jeune et dans son club il y a beaucoup de monde devant lui mais il devrait avoir du temps de jeu la saison prochaine. Et puis on a Jordan Joseph (Racing 92) qui lui aussi s’est blessé au début de saison et qui aurait pu prétendre à faire plus de matches avec le Racing.

Quelle relation entretenez-vous avec les clubs pros ? Notamment les staffs des équipes jeunes et des centres de formation.

Nous avons mis en place une nouvelle organisation au niveau des équipes de France avec Philippe Boher, manager France U20, Jean-Marc Béderède, manager France U20 développement et Sébastien Calvet, manager France U18. Plusieurs fois par saison, nous parcourons les centres de formation des clubs professionnels pour rencontrer les staffs et les joueurs à fort potentiel. Le but est de « co-construire » avec le club, le plan de développement de ces joueurs qui sont suivis. On se place davantage dans la situation d’accompagnateurs de parcours, l’idée étant de travailler au plus près du club. Les clubs professionnels sont capables de mettre énormément de moyens pour suivre le parcours de leur joueur et de les mettre dans un bon environnement de travail au sein des centres de formation. On est en perpétuelle interaction afin de suivre le développement des joueurs à fort potentiel.

Vous arrive-t-il parfois de transmettre des consignes concernant le travail, le poste d’un joueur ? La Fédération impose-t-elle des choix aux clubs (temps de jeu, poste…) pour les U20 ?

Je n’aime pas vraiment employer le terme de « consignes ». Notre objectif est de travailler avec les staffs des clubs afin de créer un parcours pour le joueur qui soit cohérent à la fois pour son développement au sein du club, mais aussi au niveau « national ». On ne donne donc pas de consignes au club mais on co-construit, avec les staffs des centres de formation, le parcours du joueur. L’idée est de pouvoir tirer le maximum du potentiel d’un joueur qui s’épanouit à l’intérieur de son club en ayant le même ressenti et la même vision sur les moments clés du développement du joueur. On essaye donc, et on y arrive petit à petit, à associer le temps court et le temps long du développement. Le temps court est celui du club et du travail en semaine alors que le temps long est celui des entraineurs nationaux. Cela ne veut pas dire que les objectifs sur le long terme ne sont pas définis par les entraineurs des clubs. Ces temps, longs et courts, font partie du parcours qui est co-construit par les entraineurs des clubs avec les managers des sélections. Je pense que c’est un facteur de haute performance que de coupler ces deux temps, le court et le long, dans l’évolution et l’accompagnement d’un joueur.

Le match France Irlande du VI Nations U20 2020 a été annulé. Savez-vous pourquoi ? Cela peut être perçu comme une opportunité de faire joueur les jeunes pendant que les internationaux seront mobilisés sur une longue période ?

Non je n’en connais pas les raisons. En revanche, il est clair qu’il s’agit d’une opportunité pour les jeunes d’avoir du temps de jeu en l’absence des joueurs mobilisés par les différentes sélections.

Pensez-vous qu’il faut lancer le plus tôt possible les jeunes dans le grand bain (Top 14, Pro D2), même si les débuts peuvent être laborieux, ou qu’il est préférable de les laisser murir dans le championnat espoir ?

Je crois réellement au parcours et à l’accompagnement individuel de chaque joueur. Je ne crois pas que l’importance soit qu’il aille vite au haut niveau, mais plutôt qu’il y aille bien. Cela dépend finalement du développement du joueur, de sa maturité, mais aussi de la concurrence au poste dans son club. Il y a tellement de paramètres qui rentrent en jeu qu’il est nécessaire d’être intelligent de construire un parcours qui convienne au joueur spécifiquement. On dit souvent que jouer au plus haut niveau est un accélérateur de développement, mais il faut faire attention à ne pas confondre ça avec un booster. Dans la construction du parcours de développement d’un joueur, on insiste sur le balisage de ce parcours et sur l’importance que le joueur passe par toutes ces balises, ces étapes, sans les griller. Il est donc intéressant d’intégrer de temps en temps le groupe professionnel, mais pour nous le plus important reste le développement physique.

Vous avez régulièrement fait appel à des joueurs surclassés (ceux qui font leurs 18 ans l’année de la coupe du monde U20) comme Jordan Joseph, Romain Ntamack, Mathias Haddad-Victor, et plus récemment Nolan Le Garrec. Doit-on plutôt y voir des potentiels très doués ou alors est-ce une volonté d’intégrer des jeunes à fort potentiel, même s’ils sont encore un cran en dessous ?

C’est quelque chose qui s’est traditionnellement fait, à l’image de Gaël Fickou en 2012 qui avait participé au mondial alors qu’il n’avait que 18 ans également. Par contre c’était peut-être quelque chose qui, par culture surement, n’était pas très développé auparavant. Pour moi c’est important de véhiculer le fait que le projet France Jeunes est complètement fondamental et premier, et qu’à l’intérieur du projet France Jeunes, ce parcours France Jeunes, il y a une équipe qui correspond à un objectif et à une étape bien précis dans le développement de chaque joueur. Il y a France U18, puis France U20 Développement et enfin France U20, ces trois équipes forment un tout. Les joueurs passent généralement 3, 4 années au sein de ce groupe France Jeunes, avec au sommet de la pyramide l’équipe de France U20.

Donc finalement, si on résume un peu, vous avez un « vivier » de joueurs qui compose les 3 équipes, et en fonction du parcours du joueur, de son niveau, des différents jalons qu’il a pu franchir dans son développement, peu importe son âge, il va intégrer l’une ou l’autre des équipes de France Jeunes ?

Oui en quelques sortes. Les équipes U18 et U20 développement vont servir de préparation aux joueurs pour intégrer l’équipe U20. Par exemple Nolan Le Garrec, on a jugé que c’était le bon moment de le titulariser (ndlr : sur le premier match du VI Nations U20 face à l’Angleterre) pour lui faire jouer des matches de haut niveau, dans une situation de stress plus élevée que d’habitude comme il ne peut jouer qu’en Crabos dans son club. L’avantage de ce système, c’est qu’il nous permet également de créer une émulation entre les joueurs. Que ceux qui sont en U20 développement voire en U18, voient l’écart qu’il leur reste à combler et le travail qui reste à faire pour être au niveau des U20, et dans l’autre sens, que les joueurs du groupe U20, voient que derrière, il y a une concurrence qui pousse et qui est parfois très proche du niveau requis pour jouer en équipe de France U20.

Quel bilan tirez-vous de la saison 2019-2020 ?

Au titre de la saison passée, je suis très satisfait du travail du staff et des joueurs parce qu’on a eu beaucoup de difficultés dans les travaux à entreprendre et qu’on a su tirer beaucoup de positif malgré les différents obstacles qu’on a rencontrés. Ce qui est important c’est l’état d’esprit et l’axe de développement. Très heureux de l’état d’esprit qui a émergé du staff et des joueurs et je suis très satisfait de la manière dont on a mené, mis en place le développement de tous nos joueurs. Je suis persuadé que nous aurions fait une très belle Coupe du monde cette année encore et que tous les éléments se seraient capitalisés au bon moment.

Comment vous projetez-vous sur la saison 2020-2021 ?

Pour la saison à venir il y a une forme de flou, parce que le fait de pas avoir eu la tournée du groupe U18 en Afrique du Sud cet été, le fait de pas avoir eu la coupe du monde U20, et même la tournée des U20 Développement ne nous permet pas d’avoir la meilleure connaissance du groupe élargie possible. C’est pourquoi nous travaillons d’autant plus avec les clubs et les centres de formation pour mieux connaitre les joueurs et essayer de cibler un groupe de 50-60 joueurs qui feront partie de la liste des joueurs qui défendront les couleurs de la France lors du prochain tournoi des VI Nations U20 en 2021. A court terme, on va organiser au mois d’octobre/novembre, un stage avec tous ces joueurs. Ensuite on va organiser des ateliers spécifiques pour chaque poste par grande région afin de préciser le travail à accomplir. Cela nous permet de travailler avec les joueurs, et les entraineurs des clubs, sur des thèmes très particuliers. A moyen terme, notre travail nous permettra de dégager encore 1 ou 2 jeunes qui intègreront le groupe de Fabien et Raphael avec l’équipe de France A pour le mondial 2023. Pour le long terme, l’objectif est de créer le groupe qui sera champion du monde en 2027.

Aucun commentaire pour le moment...

Derniers commentaires

Connectez pour consulter les derniers commentaires.