C'est une histoire comme on aime les raconter, au coin du feu en cette période hivernale, en famille autour d'un vin chaud, où chacun y va de son commentaire plus ou moins pertinent pour donner son avis sur ce qui s'apparente à une légende d'une autre époque. Pourtant le récit de la carrière de Constantin Henriquez seulement, et non Henriquez de Zubiera comme certains se plaisent à l'appeler, en confusion avec Francisco Henriquez de Zubiera membre de la délégation française de tir à la corde à la même période, est tout sauf un conte pour enfant. Il faut remonter aux prémisses des années 1900, ou plus précisément à la fin des années 1800, pour trouver trace de ce jeune haïtien, débarqué en France après un long périple sur le paquebot ''La Bretagne''. Constantin Henriquez donc. À première vu, ce nom ne doit pas signifier grand-chose pour la plupart des férus de sport de l'Hexagone, et plus précisément du ballon ovale. À vrai dire, peu de monde connaît ce franco-haïtien, né au cours des années 1870 mais dont la date exacte reste un mystère, et qui fut le premier noir, le premier afro-caribéen ainsi que le premier haïtien à décrocher l'or aux Jeux Olympiques. C'était en 1900, avec la France, et Henriquez s'est donc forgé une petite renommée à l'époque. Né à Port de Paix, Constantin Henriquez pose donc ses bagages en France en 1893, et entame de brillantes études de médecine, poussé à l'époque par son père. Doté de qualités physiques impressionnantes, (il décroche en saut à la perche un titre universitaire en franchissant une barre à 2m60 selon WorldRugby), Henriquez se lance dans le rugby avec la ferme intention de participer à la première édition des Jeux Olympiques modernes relancés sous l'impulsion du baron Pierre de Coubertin, et qui se déroulent et c'est bien connu, à Athènes. Pour cela, il signe à l'Olympique de Paris, avec qui il devient vice-champion de France en 1895. Capable d'évoluer avec franc succès à l'aile mais également au centre, il se plaît également à jouer en troisième-ligne. Oui mais. Premier temps d'arrêt dans sa carrière sportive, il n'est pas sélectionné pour l'escapade en terre grecque. Ce ne sera que partie remise, quatre ans plus tard.
Champion de France mais surtout Champion Olympique
Malgré cet échec, Constantin Henriquez ne va pas flancher. Il rejoint le Stade Français, avec qui il devient champion de Paris en 1899, et vice-champion de France la même année. Des performances remarquées qui vont le propulser au sein de l'USFSA (Union des sociétés françaises des sports et athlétiques). L'USFSA kezako ? Petit cours d'histoire. On utilise notre machine à remonter le temps pour vous expliquer tout ça. Fondée en 1887, l'USFSA est à la base une fédération omnisport consacrée principalement à l'athlétisme. Le rugby à XV est l'un des nombreux sports qui va l'intégrer deux ans plus tard. Pierre de Coubertin fait partie de cette dernière qui devra représenter la France aux Jeux Olympiques de 1900 à Paris. L'UFSA sélectionne donc les meilleurs joueurs du Racing club de France, du Stade Français et du Cosmopolitan club. Henriquez membre incontournable du Stade Français va donc enfin pouvoir réaliser son rêve, participer aux Jeux Olympiques.
L'évènement est grandiose. 50 millions de personnes s'amassent dans la capitale parisienne pour ce qui reste encore aujourd'hui, le plus grand évènement sportif planétaire. Une vingtaine de disciplines sont au programme et on dénombre 24 nations présentes pour croiser le fer. Le Rugby à XV est alors une discipline olympique. Pour décrocher le saint-Graal, la France devra se défaire, de ses ennemis de toujours, l'Angleterre, mais aussi de l'Allemagne. Oui vous avez bien entendu, l'Allemagne avait la possibilité de devenir championne olympique de Rugby. Ah, quand on vous dit que c'était une autre époque. Les Français vont d'ailleurs prendre le meilleur sur leurs homologues germaniques lors de la première rencontre (27-17), avant de battre quinze jours après, les Britanniques au vélodrome de Vincennes (27-8) devant 6000 spectateurs. Champion olympique, Constantin Henriquez rentre dans l'histoire, en devenant le premier joueur noir à décrocher l'or au cours de cet évènement. Mieux encore, le franco-haïtien obtient quelques jours plus tard, une médaille de bronze au tir à la corde en équipe. À ce moment-là, lui l'enfant de Port de Paix, venu dans un premier temps dans l'Hexagone pour apprendre la médecine, vient de laisser une trace indélébile dans le microcosme du sport français. Mais ce récit aux allures de conte de fées ne s'arrête pas là pour notre protagoniste. Un an plus tard, toujours licencié au Stade Français, il devient champion de France avec le club de la capitale. Avec le recul, on peut quand même affirmer, que Constantin Henriquez s'est forgé un palmarès à faire pâlir bon nombre de sportifs du XXIème siècle.
Promoteur du sport à Haïti
De retour peu après sur ses terres natales, Henriquez va s'engager dans la vie politique de son pays. Surtout, il va promouvoir en grande partie le sport. Il créait notamment l'Union Sportive Haïtienne avec son frère Alphonse ainsi que l’Union des Sociétés Haïtiennes et aurait lui-même importé le football en 1904. WorldRugby rapporte que des médias locaux affirmaient qu'il aurait entraîné l'athlète Sylvio Cator, et le coureur André Théard. Il fut également en 1906, le premier président du Comité Olympique Haïtien. Une vie à 100 à l'heure, dédiée en grande partie et vous l'aurez compris, à la pratique de disciplines sportives. Ne perdant pas non plus de vu son but premier, Constantin Henriquez devient... médecin. Sa date de décès reste inconnue, même si plusieurs sources divergent et font état, d'une mort aux alentours des années 1940-1950. La vie d'Henriquez reste globalement entachée d'inconnue et quelques mystères. Comme pour perpétuer la légende de ce champion méconnu, mais qui mériterait d'avoir sa place dans les livres d'Histoire du sport français.