Le jeu, c’est le jeu. Et ça, chaque équipe a le sien. De tous les côtés du globe, les différentes terres du rugby mondial mettent en avant LEUR vision de comment manier ce cher ballon ovale. Pour les Irlandais, on parle de maîtrise parfaite des bases et d’une conquête excellente. Chez les Néo-zélandais, la technique individuelle est reine. Quant aux Japonais, leur jeu de vitesse historique leur a permis d’atteindre les quarts de finale de la dernière coupe du Monde. Aux quatre coins du globe, chaque nation pratique son rugby, construit à travers les époques et souvent inspiré des cultures nationales. En France, c’est le French Flair qui prime. Dans le monde entier, les Français sont connus pour briller plus fréquemment à l’instinct qu’à la raison. Oui, mais voilà, cette tradition est désormais convoitée.
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Dans un article publié le 11 mai sur le site Rugby Pass, l’ancien analyste de Stuart Lancaster, Nick Bishop, propose un changement. Dans un papier de qualité, fourni en exemple et en explication, il demande que les Anglais s’emparent du flair ! Mais qu’est-ce que cela signifie ? Que deviendrait le célèbre jeu à l’anglaise ? Ces parties endiablées aussi passionnantes qu’une après-midi du Tour de France bien allongée dans son canapé sont-elles vouées à disparaître ? Alors, posez ces fourches et enlevez ces regards noirs de vos mirettes, on vous fait part de cette théorie plus en détail.
Une nouvelle génération
Pour Nick Bishop, la réussite récente du rugby anglais a tenu, en grande partie, grâce à l’hégémonie des Saracens. Ces derniers présentaient un jeu physique avec un ouvreur polyvalent et habile au pied, Owen Farrell. Mais récemment, la domination des Sarries a pris fin. Dans un premier temps, leur relégation pour non-respect du règlement a mis à mal cette dynamique. Ensuite, la révélation récente des Harlequins, des Exeter Chiefs et des Leicester Tigers a fini de diviser l'ovalie de sa Majesté. En seulement une saison d’absence en Premiership, le visage du rugby anglais avait changé. Adieu Owen Farrell, bonjour Marcus Smith. Adieu Billy Vunipola, bonjour Dombrandt et Simmonds. Manu Tuilagi perd sa place d’indiscutable et l’habituel 5/8e (Ford-Farrell) vole en éclat. Autant dire qu’il ne reste plus beaucoup de traces de la dernière coupe du monde dans l’animation offensive du XV de la Rose.
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Mais alors, pourquoi ne pas rebondir sur ce que les Anglais connaissent déjà ? Soit, du jeu au pied millimétré pour subir le moins de pression possible et un 10 distributeur en guise de maestro. C’est là que commence l’explication de Nick Bishop. Selon lui, les Leicester Tigers ont repris le rôle et le jeu des Saracens. Un duel physique omniprésent, une défense de fer et des coups de pied à foison, telle est la loi chez les Tigers. Problème, les internationaux et cadres de la Rose sont restés chez les Sarries. D’autant plus, l’hégémonie n’y est plus si forte. En atteste la récente débâcle face au Leinster en Coupe d’Europe pour les leaders de Premiership. Il commente ainsi les intentions d’un certain English Flair :
Eddie Jones s'est efforcé de modifier l'équilibre, avec seulement cinq Saracens dans sa liste initiale de 36 joueurs pour les Six Nations, mais il a besoin de toute urgence de joueurs comme Smith et Arundell pour sortir rapidement des stéréotypes nationaux afin de changer la forme et les perspectives fondamentales de l'Angleterre. Le changement de philosophie est d'autant plus évident dans l'attitude à adopter face aux attaques possibles sur les renvois. L'Angleterre possède déjà l'un des meilleurs joueurs sous les ballons hauts, Freddie Steward de Leicester, mais Steward n'offre pas la même portée en contre qu'Arundell, par exemple.”
Mais pourquoi chercher absolument à trouver un joueur de contre à la réception des ballons haut ? Car les 50/22 et autres évolutions modernes du rugby ont radicalement changé l’organisation des défenses. Avec un joueur en moins dans l’alignement, les contres se montrent souvent plus dangereux. Dans cette optique, l’analyste livre son argumentation. Selon lui, les équipes comme les Harlequins ou les London Irish sont celles qui profitent le plus de cette règle. Leurs hommes phares brillent par ailleurs d’autant plus. Nick bishop vante même ces derniers : “Des équipes comme les Harlequins et les London Irish démontrent déjà qu'un rugby vivant en Premiership peut être un avantage, bien plus que l'excellence des coups de pied, de la défense et devant les perches.”
Voici donc une synthèse de la théorie de ce journaliste étranger. Dans l’article, la liaison avec le French Flair est faite par la mention du fameux “essai du bout du monde”. Permettez-nous alors une réponse, aussi courte et modeste soit-elle. La référence à la légendaire action de 1994 permet de se rendre compte que le flair n’est pas vraiment une notion d’actualité, comme le considère Nick Bishop. Ce n'est pas l’évolution des règles qui amène le flair, mais plutôt l’éclosion des générations. Antoine Dupont n’a pas attendu le 50/22 pour voir ses qualités devenir décisives, “l’essai du bout du monde” non plus. Certes, les arguments sont solides et les exemples d’utilisation du flair sont expliqués au travers d’images parlantes (disponible ici en article premium Rugby Pass +). Mais à l’inverse, on pourrait se demander si en cherchant à rationaliser le flair, on ne s’en éloignerait finalement pas. L’instinct ne se prévoit pas, il se ressent et surprend autant les spectateurs médusés que les joueurs courant sur le pré.
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