Blessures, dépression, abandon : la dégringolade de l'ancien Black Richard Kahui
On avait presque oublié qu’il jouait au rugby. Au vrai, avant l'an passé, la dernière fois que le nom de Richard Kahui avait attiré notre attention, c’était en 2017, lors de sa prise de brassard au sein de son club nippon des Toshiba Brave Lupus, niché à Fuchu, à quelques bornes à l’ouest de Tokyo. Depuis, nibe, wallou, nada, ou du moins plus rien capable de faire un écho sur l’échelle du rugby international. Ni de la part de sa formation japonaise, ni de lui-même d’ailleurs. Peut-être un peu « old school » pour certains mais en tous cas pas des plus actifs sur les réseaux sociaux : il est comme ça Richard Kahui, pas du genre à faire trop de vagues.
Lui ? C’est un international All Black aujourd’hui âgé de 35 ans, capé 17 fois pour 10 essais inscrits sous la tunique noire et accessoirement champion du monde 2011 en tant que titulaire, notamment en finale face à la France. Kahui, c’est aussi 67 matchs de Super Rugby, à peu près autant en Top League, pour une grosse quarantaine d’essais plantés en tout dans les deux compétitions, et des timbres monumentaux à foison. Les plaquages appuyés ? Ce sont même eux qui ont fait la réputation de distributeur qui le précède, tout en étant un joueur extrêmement propre, cela n’est pas incompatible. Si, bien que musculeux, le natif de Tokoroa n’a jamais été le plus massif de ses équipes successives (1m89 pour 97kg), cela ne l’a jamais empêché de figurer parmi les défenseurs les plus craints du circuit international à sa belle époque. Grâce notamment à un ratio poids/puissance exceptionnel à l’impact, dans un style défensif qui n’était pas sans rappeler celui de l’ancien palois Benson Stanley. Ils sont d’ailleurs nombreux à avoir gardé un souvenir douloureux de ses robustes épaules, bien qu'elles aussi aient souffert à force de distribuer. De Matthew Tait en 2008, mis KO par le centre des Chiefs lors de sa première sélection, à Ben Tapuai, désintégré par ce dernier en s’essayant à la remise intérieure lors d’un match de Super Rugby en 2013, en passant par Quade Cooper, Israel Folau, George Whitelock et on en passe, tous furent bien reçus par l’ancien ailier All Black.
Une fin en Australie
Après un exode long de 7 ans dans l’archipel nippon et avoir quasiment disparu des radars depuis aussi longtemps, celui qui a grandit entre autres avec Quade Cooper et Sean Maitland dans leur petit village du Waikato est donc de retour au premier plan depuis 2020 avec sa signature à la Western Force. Une prise aussi belle qu’inattendue pour la franchise basée à Perth, tant il paraissait improbable il y encore peu que cette formation exclue du Super Rugby depuis 2017, puisse faire un jour venir l’un des All Blacks les plus sous-côté de sa génération. Mais la crise du coronavirus à depuis rebattu les cartes et l’équipe la plus occidentale de l’île-Continent peut jouir depuis l'an dernier de la présence de Richard Kahui pour le Super Rugby Australia, elle qui comptait déjà dans ses rangs d’autres joueurs un peu oubliés mais bien rodés aux joutes du plus haut-niveau. Entre le All Black Jérémy Thrush, l’international américain Marcel Brache, ou les anciens Wallabies Nick Frisby, Greg Holmes et même Kyle Godwin, qui forme d’ailleurs une très solide paire de centres avec le sujet de ce papier.
« Ce ne sont pas seulement ses exploits sur le terrain qui nous excitent, expliquait le directeur du rugby de la Force et ancien international Matt Hodgson au moment de sa signature. Sa justesse et sa mentalité de gagnant vont à coup sûr apporter une vraie plus-value à l’équipe. » Vous l’aurez compris, Kahui n’est pas qu’un superbe joueur de rugby, il est aussi un formidable athlète de haut-niveau, un modèle par l’exemple qui comme bon nombre d’anciens pensionnaires du maillot à la fougère argentée, est écouté quand il parle. « Sa connaissance du jeu, ses facultés défensives et son professionnalisme incroyable devraient être très importants pour nous cette saison », abonde l’ancien troisième ligne des Wallabies.
N’oublions pas que bien avant son arrivée dans l’Hunter Valley - région du New South Wales dans laquelle s’était installée la franchise de Perth pour diminuer ses trajets durant le Super Rugby en vase clos -, Richard Kahui était autrefois un pilier des Chiefs et un homme fort des Blacks, avec qui sans toutes les blessures ayant miné sa carrière, il serait aujourd’hui certainement bouffi de sélections. Pour ses débuts sous le maillot bleu nuit en 2020, « Kaks » n’a pas pu faire de miracle mais a tout de même montré de vraies aptitudes offensives comme défensives, confirmant que la trentaine bien tassée, il conservait de beaux restes sur lesquels nombre d’écuries européennes ne cracheraient pas. "De toute évidence, j’ai vieilli et perdu un peu de vitesse et de force, avouait le principal intéressé il y quelques jours pour Rugby Pass. Mais en ce moment, je me sens aussi en forme que je peux l'être physiquement. Je me sens mieux que jamais. J'obtiens de très bons chiffres sur le GPS et ce que je fais au gymnase. Il s’agit simplement de m'assurer que je suis capable de passer du Japon au Super Rugby."
Après une première saison où la Force a fini dernière avec une seule victoire au compteur, les arrivées conjuguées de Tevita Kuridrani, Rob Kearney ou Tomas Cubelli cette année incitent "Kako" (grand-père en maori) à l'optimisme. "En fin de compte, le message d’Andrew Forrest (le mécène de la franchise, NDLR) est que nous voulons gagner le Super Rugby, nous ne voulons pas seulement être compétitifs. Nous voulons un titre. » À coeur vaillant, rien d'impossible ?
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