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Top 14 - MHR. Fulgence Ouedraogo : ''J'étais forcément déçu mais il n'y a pas d'injustice''

A Montpellier depuis 2005, Fulgence Ouedraogo a été le témoin de l'évolution de son sport. Le rugby ne laisse que peu de chances et il faut savoir les saisir.

Thibault Perrin 09/07/2020 à 18h00
Top 14 - MHR. Fulgence Ouedraogo estime que le rugby pro est usant.
Top 14 - MHR. Fulgence Ouedraogo estime que le rugby pro est usant.

Comment se passe la reprise ? 

C'est chaud, très chaud. Après deux heures sur le terrain, ça commence à piquer. Chaleur et physique, c'est un bon cocktail. On avait commencé en juin avec de la préparation physique par petit groupe. Maintenant, il y a du rugby. Pendant le confinement, j'avais fait beaucoup de préparation physique dans un premier temps parce qu'on ne savait pas quand on allait pouvoir reprendre. Il fallait se maintenir en forme au cas où. Quand la fin de saison a été annoncée, il y a eu un peu moins de préparation physique (rires). C'était plus tranquille. Je savais qu'on aurait le temps de se préparer pendant quelques mois avant la reprise.

Quand on est retourné à l'entraînement, c'était un peu particulier parce qu'on ne faisait que se croiser. On était en groupe donc si on n'était pas le même groupe, on ne se voyait pas de la journée. Il a fallu attendre le mois de juillet pour être avec tout le monde. On a pu voir ceux qui s'étaient bien entraînés pendant le confinement et qui sont arrivés en forme. Et les autres qui sont revenus avec des formes différentes (rires).

Arthur Bonneval s'est blessé à l'entraînement et en a pour six mois. La peur de la blessure est-elle présente ?

Oui, c'est certain parce qu'on ne s'était jamais arrêté aussi longtemps. C'est du jamais vu. On a beaucoup parlé du cas du football américain en 2011 avec de nombreuses blessures aux tendons d'Achille après une grève. Il faut être vigilant sur la reprise, faire beaucoup de prévention, parce que ce risque de blessure est bien présent. Stade Toulousain. Arthur Bonneval out 6 mois avant même le retour du Top 14Stade Toulousain. Arthur Bonneval out 6 mois avant même le retour du Top 14

Ce repos forcé : bonne ou mauvaise chose ?

Les deux au final. Il nous a permis de récupérer des coups et des petits bobos. Mais sur des pathologies plus importantes, c'est mieux d'avoir un suivi, des soins quotidiens, un travail spécifique. Une pause aussi longue ça peut être néfaste. J'avais des petits trucs à soigner, à travailler avec des renforcements quotidiens pour pas que ça empire lors de la reprise et que je reparte de zéro. C'était une bonne chose dans le sens où cette pause a permis de profiter de la famille, de s'aérer l'esprit. Parce que le rugby pro, c'est la compétition au quotidien donc on n'a pas forcément le temps de souffler et de penser à autre chose.

Ce sport évolue et demande plus de rigueur et de travail. C'est difficile de se maintenir au haut niveau parce que c'est très dur physiquement. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup plus de blessures et de casse, ça va plus vite, ça tape plus fort. Il faut être au top physiquement et mentalement car on enchaîne les matchs et les saisons. Si je prends mes débuts en 2005 comme repère, le championnat est bien plus dur. A l'époque, on connaissait au début de la saison les équipes qui allaient jouer les phases finales. Elles pouvaient faire tourner, reposer leurs cadres, jouer les jeunes. Maintenant, c'est difficile de faire un pronostic aussi précis. Il y a des surprises, aucun match n'est facile donc on ne peut plus faire autant souffler les joueurs. Il faut un effectif conséquent pour tenir la distance.

Faut-il justement profiter de cette crise pour changer les choses ?

C'est difficile. Est-ce qu'il faut revenir en arrière avec deux poules ? Je ne me suis pas spécialement posé la question. Mais chaque match demande beaucoup d'implication physique et mentale parce que tous les points comptent dans ce championnat pour être dans les six, jouer les demies directement. En cas de relâchement ou de mauvais résultat, il faut aller chercher les points ailleurs.

Avais-tu cette vision du rugby pro quand tu étais plus jeune ?

Non, je ne pensais pas à ça. On jouait pour prendre du plaisir. On était seulement heureux d'être là, de vivre de tels moments, de vivre notre passion. 

Être l'homme d'un seul club comme toi avec Montpellier, est-ce encore possible aujourd'hui ?

Rester dans un club c'est une chance et il faut pouvoir le mériter. Dans une carrière, on connaît des hauts et des bas. Il faut réussir à se maintenir au haut niveau sous peine de ne pas être conservé. De nos jours, les clubs brassent beaucoup de joueurs : ils prennent un mec, ils le remplacent, ils en prennent un autre. Rester dans un club, c'est compliqué.

As-tu jamais été tenté d'aller voir ailleurs ?

J'avais envie de rester à Montpellier, de grandir avec ce club. J'étais motivé par l'idée de lui apporter un titre. Ça ne sert à rien de remuer le passé, mais j'ai eu des offres de clubs que j'ai refusées. Et l'année suivante, ce club était champion. C'est raté, c'est comme ça. Ça fait partie des choix de la vie.

On a vu des joueurs raccrocher avant 30 ans . Qu'est-ce que ça t'inspire ?

Ça montre que le rugby pro est usant. Il demande beaucoup de force mentale. Il faut avoir les reins solides, perdurer, rester dans la performance, surmonter les déceptions, les coups durs.

Comme ne pas avoir plus de sélections avec les Bleus ?

Quand on évolue au plus haut niveau, on souhaite jouer en équipe de France. On espère toujours mais quand on t'annonce qu'il faut laisser la place à la nouvelle génération, et que les joueurs ne manquent pas à ton poste, il faut être lucide. Il y avait meilleur que moi. J'étais forcément déçu mais il n'y a pas d'injustice.

Les Bleus version Galthié t'ont-ils séduit ?

Moi et beaucoup de monde par l'enthousiasme qu'ils ont mis, l'envie qui se dégageait de cette équipe. Elle a fait plaisir à voir, enchaîné de bons matchs. Ça fait du bien à l'équipe de France et aux supporters. Elle donne de l'espoir en vue de 2023 mais il faut tenir dans la durée. Les talents sont présents en France. Il y a des très bons jeunes. Ces performances valident le fait que la formation française est bien présente. C'est une certaine récompense pour le rugby français.

Du haut de tes 15 ans de carrière pro, quels conseils donnerais-tu à un jeune qui rêve de tout ça ?

Je lui dirais de savoir saisir les opportunités. S'il ne joue pas dans un club de Top 14 et qu'on lui propose quelque chose en Pro D2, il faut qu'il saisisse cette chance-là. Il peut prouver qu'il mérite sa place. On l'a vu avec Anthony Bouthier qui a brillé en Pro D2 avant de débarquer chez nous. Il était sur une phase ascendante et maintenant il est en équipe de France. D'autres ont su saisir leur chance directement en Top 14 comme Arthur Vincent qui s'est lancé et qui est maintenant en pleine confiance. Tout peut arriver, un titulaire qui se blesse et on te donne du temps de jeu. Tu fais un bon match, un deuxième et à partir de là, c'est difficile de te sortir de la feuille. La chance se crée comme ça.

L'actualité hors des terrains est assez lourde avec notamment le moment Black Lives Matter. Le rugby a-t-il un rôle à jouer ?

Je pense que oui. Quand j'étais petit, on m'a présenté le rugby comme un des rares sports qui accepte tout le monde. Et quand je dis tout le monde, c'est quel que soit ta couleur de peau, ta taille, ton poids. Il y a d'autres disciplines où c'est plus compliqué comme le basketball où il faut quand même être assez grand pour réussir. Le rugby c'est un sport où on prend les qualités de chacun pour en faire un collectif. Il peut véhiculer cette image d'intégration où on ne fait pas de différences. On voit que le rugby prend un peu plus de place dans le paysage français en étant pratiqué dans des lieux où ce n'était pas le cas avant.  Il y a eu des avancées dans ce sens. Il suffit de voir la mixité dans l'équipe de France.

quentin2dakar
quentin2dakar
Merci les gars, Fufu c'est vraiment un chic type et qui a porté et apporté à son équipe beaucoup de choses. On le verra de moins en moins dans les années à venir mais être pro 15 ans avec des performances souvent très bonnes, ce n'est pas donner à tout le monde.
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