Fréquemment moqué pour ses stades à moitié vide et ses quelques rencontres délocalisées à cause des concerts, le Racing 92 souffre d’une triste réputation : celle d’être l’un, si ce n’est le, club impopulaire par excellence dans notre cher Top 14. Ce dimanche 5 juin, les coéquipiers d’Henry Chavancy reçoivent Toulon dans un match à fort enjeu. Pour la dernière journée de championnar, seul le vainqueur de ce choc aura le droit à une place dans le Top 6. La folle dynamique varoise pourrait donc mettre à mal un Racing 92 constellé de ses stars du ballon ovale. D’autant plus que les groupes de supporters rouge et noir ont annoncé leur venue en nombre ce week-end. La direction du club a même participé à l’effort. En outre, elle a offert des places aux aficionados qui feraient le déplacement et a organisé une rencontre supporters à Nanterre en prévision du match.
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Le visage perçu chez les deux clubs semble alors diamétralement différent. Quand le Racing 92 est moqué sur les réseaux sociaux, le RCT, lui, brille par l’amour indéfectible des siens pour ce match à enjeux. Mais alors, le Racing mérite-t-il cette réputation d’équipe à la passion absente ?
Si les réseaux mentent, que disent les chiffres ?
On les voit. Ne croyez pas qu’au Rugbynistère on ne lit pas vos petits commentaires qui font suite à nos publications. Sur les réseaux et sur le site, les vannes s’enchaînent sur le papier et dans l’espace commentaire. Mais le fan de rugby moyen sera sûrement surpris de savoir que non, le Racing n’est pas le club le plus impopulaire de France. Cependant, il n’est pas l’un des plus populaires non plus. Pour donner un ordre d’idée, un baromètre simple existe : le nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux. En France, 3 clubs de rugby figurent dans le club fermé des 25 équipes sportives françaises les plus populaires sur Facebook. Il s’agit de Toulouse, Toulon et l’ASM Clermont. Si les Auvergnats tournent autour de 260k abonnés, le Racing, lui, est 125k. Une différence qui peut sembler énorme, mais qui est à relativiser. Par exemple, l’écart est similaire entre le Stade Toulousain (525k) et le RC Toulon (405k).
XV de France - Mais au fait, où en sont les Bleus en terme de popularité (sur les réseaux) ?Sur Twitter, le Racing compte un nombre semblable d’abonnés. Un chiffre qui le place au-dessus de clubs comme Pau ou Agen (~20k followers), mais assez loin derrière d’autres équipes comme le Stade Français (320k) ou le CA Brive (217k). Verdict ? Personne n’aime le Racing ? Eh bien, sachez que la réalité est bien loin de ce constat. Si l’on se fie aux abonnés sur les réseaux, il serait bien plus populaire que… le Stade Rochelais ! Impossible diront certains, pourtant avec un nombre similaire d’abonnés sur Facebook, le club Francilien dépasse largement l’écurie maritime sur Twitter. Mais alors, comment expliquer ces scènes de liesse au titre de Champions Cup de La Rochelle par rapport au titre de champion de France de 2016 du Racing 92 ? Les fans des ciel et blanc sont-ils retenus en otage ? Henry Chavancy doit-il leur venir en aide ?
Le rugby, sport de territoire
Dans une interview réalisée par Ecofoot en juillet 2021 Samy Bouclet, Fondateur de l’Observatoire Sport et Digital, livre son analyse. Il déclare notamment que “la stratégie d’animation des réseaux sociaux du Racing 92 est particulièrement pertinente”. Il qualifie même cette dernière d’exemple “pour la bonne gestion des réseaux sociaux”. Cependant, son analyse nous offre également une perception loin des data. Sport populaire depuis toujours, le rugby s'illustre surtout comme un sport de territoire et d’appartenance. Il développe sa logique ainsi :
Malgré la professionnalisation de la discipline, les clubs de TOP 14 ont su conserver une vraie relation de proximité avec l’ensemble de leurs parties prenantes dont les supporters. [...]D’autant que, si nous faisons abstraction du football, les clubs de rugby réunissent souvent les plus importantes communautés de leur département, voire de leur région. Les clubs doivent se servir des réseaux sociaux pour cultiver cette proximité. La mise en avant des supporters ou encore la mise en scène de symboles forts du territoire sont des axes particulièrement intéressants à travailler pour les clubs de rugby.”
En clair, le rugby attire, car il est le sport qui représente les cultures locales et régionales. Un facteur d’identification qui rapproche les gens plus autour d’un patrimoine qu’autour d’un joueur, d’un palmarès ou d’un blason. En Île-de-France, le rugby n’est d’ailleurs pas à la traîne. Selon un sondage publié par Le Parisien en 2018, le Racing 92 est le second club le plus populaire de la région ! Le premier ? Loin de Neymar et autre Mbappé, c’est bien le Stade Français qui attire le plus la sympathie des Franciliens avec 32% des interrogés amateur du club. Pour les ciel et blanc, c’est 28% des personnes consultées qui le sont, soit 6 unités de plus que le PSG (22%).
Fickou, le réveil parisien, le derby de la capitale a passionné les réseaux sociauxIl y a quatre ans donc, il était le second club le plus populaire chez les plus de 25 ans, mais disparaissait du podium pour ceux inférieurs à cet âge. Ces derniers placent le PSG et sa section handball au-dessus du rugby, le Stade Français restant, quoi qu’il arrive, plus populaire que son équivalent des Hauts-de-Seine. Mais avec presque 30% du public local acquis à sa cause, pourquoi ce dernier ne se fait-il pas entendre dans les stades ?
Une ferveur pourtant présente
Pour la demi-finale de Champions Cup, le spectacle était bien triste. Délocalisé à Lens, le choc “européen” tant attendu entre le Racing 92 et La Rochelle a accouché d’un match morne. Par le jeu, dans un premier temps, mais aussi par des gradins vides pour une rencontre de cette importance. Loin des terres de rugby, le Racing 92 n’a pas pu profiter de son antre.
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Pourtant, le club commence bel et bien à remplir ses travées. Si le taux de remplissage de 47% en moyenne, avant-dernier du Top 14 dans ce secteur, livre un triste constat, force est de constater que la dynamique va de mieux en mieux pour remplir les tribunes. Jamais les Racingmen n’ont été aussi nombreux dans ces dernières, selon les statistiques publiées par Sur la touche. En 2016, pour le titre, ils affichaient une triste moyenne de 10 000 personnes par match. En 2020, hors rencontres à huis-clos à cause du Covid, ils étaient plus de 15 000 à venir en moyenne. La qualité de l’expérience spectateur d’un match dans une salle de concert reste, elle, un autre débat. Mais en quatre ans, le Racing 92 aura donc réussi à augmenter de 50% la moyenne de ses supporters présents les jours J.
La question peut alors se poser de savoir si le Racing 92 ne manque pas de “grands rendez-vous” dans la Paris La Défense Arena. La faute à des rencontres de phases finales régulièrement délocalisées à cause des concerts ou autres évènements. Encore cette année, le club devra trouver un autre stade s’ils s’offrent l’opportunité d’un barrage à domicile. Elton John se produit en concert dans l’endroit concerné durant le premier week-end des phases finales. Au-delà du nombre de supporters, l’ambiance dans un stade bouillonne grâce à la passion de ceux qui l’habite. À force de sacrifier les matchs qui forgent son histoire contemporaine, le Racing n’est-il pas en train d’annihiler l’engouement qui se crée autour de lui ? Réponse ce dimanche soir à l’occasion de la rencontre face à Toulon.