Cela sonne comme une évidence, il est bien plus compliqué de remporter des matchs à l'extérieur plutôt qu'à domicile. En effet, le déplacement, mêlé au manque d'automatismes et à la ferveur des supporters adverses plongent l'équipe qui voyage dans un climat dur à appréhender. Une hostilité qui pousse certains entraîneurs à "lâcher" quelques matchs à l'extérieur, afin de se concentrer sur des rencontres à domicile. Une tendance qui se multiplie, d'autant plus que le calendrier est très chargé. Il faut donc économiser ses forces, et ne pas risquer d'envoyer ses meilleurs joueurs se fatiguer dans un match qui s'annonce déjà compliqué. Mais cela peut également dépendre des rencontres à venir : si un club de Top 14 a un match capital la semaine d'après, il est fort à parier que le staff voudra préserver certains cadres, pour éviter d'éventuelles blessures. Mais que se passerait-il, si une équipe se focalisait exclusivement sur ses matchs à domicile, ne jouant pas "à fond" les déplacements ? Serait-ce suffisant pour réussir sa saison ? À vrai dire, tout dépend des objectifs du club en question.
Se concentrer sur les matchs à domicile, suffisant pour se maintenir
Depuis la saison 2017-2018, le 13ᵉ du Top 14 joue un barrage d'accession face au perdant de la finale de Pro D2, pour décider de qui sera en première division l'an prochain. Et comme depuis l'instauration de ce barrage, c'est souvent l'équipe de Pro D2 qui remporte la rencontre, nous partirons du principe qu'il faut être minimum 12ᵉ du Top 14 pour se maintenir. Cette analyse sera donc construite par rapport aux résultats des équipes ayant terminé à cette place les saisons précédentes.
Tout d'abord, il est important de rappeler qu'il est de plus en plus difficile de gagner tous ses matchs à domicile. La dernière équipe ayant réussi cet exploit est le MHR, durant l'année 2017-2018. D'habitude, les meilleures équipes à la maison oscillent entre 10 et 11 victoires sur 13. Nous partirons donc du principe qu'un club qui se focalise exclusivement sur les réceptions remportera 11 victoires, c'est-à-dire environ 47 points, si on y ajoute quelques bonus. Un très bon bilan, certes, mais suffisant pour se maintenir ?
Eh bien, cela dépend des années ! Par exemple, la saison dernière, Pau s'est maintenu avec 46 unités (dont 9 victoires), égalité avec Bayonne. Un nombre de points assez élevé pour un 12ᵉ, comparé à d'autres années. Des équipes comme Agen en 2019, ou bien comme le Stade Français en 2016, se sont maintenues aux alentours des 40 points (38 pour Agen, 41 pour Paris). Ces clubs avaient, eux aussi, remportés 9 victoires au cours de la saison régulière. Avec 10 ou 11 succès à la maison, on peut donc se dire que le maintien est assuré ! D'autant plus que notre calcul ne prend pas en compte les matchs à l'extérieur : en effet, et même si nous partons du principe qu'une équipe lâche tous ses matchs loin de ses bases, il est difficile de penser que cette dernière ne décrochera aucun point lors de ces rencontres. Au-delà de parler de victoire, on peut facilement imaginer que cette équipe réussisse à grappiller quelques bonus défensifs, ce qui pourrait amener notre calcul à environ 50 points. Un total, largement suffisant pour se maintenir dans l'élite.
Lâcher les matchs à l'extérieur ? Impossible si l'on veut être dans les 6 !
Si un club qui joue le maintien peut se permettre de lâcher pas mal de matchs à domicile (en théorie bien entendu), c'est une tout autre affaire pour une équipe qui a l'ambition de jouer le top 6. En effet, les résultats de ces dernières saisons nous prouvent que la 6ᵉ place se joue à un rien : un bonus défensif en début de championnat, un match nul arraché dans les derniers instants ou encore à une victoire à l'extérieur face à un concurrent direct. Vous l'aurez donc compris, pour être dans les 6, il faut savoir voyager ! Un constat qui se confirme mathématiquement, puisque les équipes ayant fini à la 6ᵉ place comptabilisent environ 70 points chaque saison, et entre 14 et 17 victoires dans l'année. Depuis l'instauration des barrages en 2009, c'est Oyonnax qui détient le plus faible total de points pour un barragiste (62 pts, dont 14 victoires). Une situation qui arrive de moins en moins, la moyenne de ces 10 dernières années étant de 68 unités. Donc, même si une équipe remporte tous ses matchs à domicile, avec quelques bonus à la clé (ce qui est très peu probable), elle comptabilisera, maximum, une soixantaine de points. Un total très insuffisant, pour un club ayant l'ambition de se qualifier dans les 6. De plus, si l'on en croit les dernières saisons, un 6ᵉ doit remporter, au minimum, 4 victoires à l'extérieur. Certes, Oyonnax n'avait gagné que 2 matchs loin de ses bases en 2015, mais on a déjà observé que ce total de points était trop faible dorénavant. Il n'y a donc pas de secret, pour avoir une chance d'être barragiste, il faut être capable de s'imposer à l'extérieur, et ce à plusieurs reprises.
En conclusion, et pour répondre à la question posée en début d'article, se concentrer exclusivement sur les matchs à domicile n'est suffisant que pour une équipe jouant le maintien. Une conclusion qui, au-delà d'être purement mathématique, est un peu faussée. En effet, il est (très) rare de voir un 12ᵉ aussi solide sur ses terres. Habituellement, une équipe terminant à cette place ne gagne pas plus de 6 matchs à domicile ; une fébrilité à la maison qui l'oblige à devoir aller chercher des points à l'extérieur, et donc de ne pas lâcher tous ses déplacements.