N’y allons pas par quatre chemins : oui, l’idée succincte avancée ici et là pour dire que Bordeaux avait trouvé, en la personne de Ben Lam, le remplaçant idoine de Semi Radradra, était une belle ineptie. Qu’on le veuille ou non, le Fidjien demeure depuis deux ans le meilleur centre de la planète et - bien qu’elle ait été amenuisée au moment de son départ pour Bristol - avait durant son séjour en Gironde une influence tout bonnement incommensurable sur le jeu de l’UBB. En témoigne l’unique défaite du club l’an dernier (en 13 matchs) lorsque son ovni du Pacifique était sur la feuille de match. De fait, qui que l’on soit, on ne commute pas comme ça avec l’ancienne pépite du XIII (82 essais en 94 rencontres de NRL !), d’autant plus au sein d’une équipe qui tourne naturellement moins bien que la saison passée.
Tout ça pour dire que, aussi grandes les qualités athlétiques de Ben Lam soient-elles, il était incongru de s’attendre à ce que l’ancien septiste fasse preuve de la même aura que Radradra sur ses partenaires, lui, le pur ailier. Bordeaux à donc fait avec les (bons) moyens du bord pour remplacer son ancien facteur X en 13 (Dubié, Uberti, Seuteni) et le neveu de Pat Lam s’est naturellement installé sur l’aile gauche girondine. Lui ? Dans le jeu à distance des statistiques affolantes, il avait également des arguments à faire valoir avec ses 33 essais en 56 rencontres de Super Rugby. 1m94 pour 105kg de barbaque néo-zélandaise, un raffut quasi-bionique, un garçon irrésistible dans les duels et 10’80 secondes sur 100 mètres : suffisant pour réconforter les supporters bordelais dans leur quête d’homme providentiel. Enfin ça, c’était sur le papier. Car dans les faits, aussi brillant fut-il avec les Hurricanes, le garçon d’origine samoane n’eut pas le même rendement lors de ses premiers mois sous ses nouvelles couleurs (aucun essai lors de ses 7 premiers matchs).
Des mains, des vérins, des cannes
Mais depuis, Ben Lam a pris ses marques. Le recordman d’essais en une saison de Super Rugby (16, en 2018) a passé par 3 fois la ligne de craie depuis fin novembre, dont un déboulé de 40 mètres pour s'offrir la victoire à Montpellier. "On est content parce qu'on l'a quand même fait venir pour ça, se félicitait d’ailleurs Christophe Urios pour France Bleu après coup. On sait que c'est un garçon qui marque des essais et surtout des essais parfois improbables avec du champ, de l'espace. Je ne suis pas sûr qu'il y en ait beaucoup qui puissent marquer cet essai. Il est dangereux."
Surtout, il a commencé à se proposer davantage dans la ligne d’attaque bordelaise en ne restant plus scotché dans son couloir, pris plus d’initiatives et pu enfin s’adapter un tantinet à ce si stratégique Top 14. Finalement, à la surprise générale, le géant s’est plutôt mué en un scintillant passeur décisif qu’en finisseur invétéré. Contre Toulon en début de mois, on le vit ainsi faire des misères à la défense varoise et notamment Ramiro Moyano, traversant le rideau défensif rouge et noir à plusieurs reprises dont une pour délivrer une offrande à Cameron Woki en début de rencontre, avant de récidiver pour Romain Buros cette fois en seconde période.
Et si son bilan chiffré reste très moyen à l’heure d’écrire ces lignes de même que son placement défensif laisse encore à désirer parfois (à l’image de sa bourde en repli contre le Racing entraînant un essai casquette), le grand tatoué a encore prouvé sa capacité à débloquer les situations pour ses partenaires à Nanterre samedi dernier. À la 50ème minute de jeu, grâce à une des courses tranchantes qu’il affectionne tant, ses cuisseaux durs comme du bois et son haut du corps si solide, Lam a cassé 3 plaquages (Le Roux, Chavancy et Machenaud, excusez du peu) sur l’un de ses rares ballons à pleine vitesse, et offert au bout de son effort un caviar à Jalibert, qui marquait entre les poteaux après un crochet sur Russell. Fort. D’autant que tous comptes faits, il s’agissait là de l’essai de la victoire pour l’UBB, qui défaisait le Racing sur ses terres pour la deuxième fois consécutive (32 à 33). 4 points acquis au forceps qui permettaient donc aux hommes de Christophe Urios de réintégrer le wagon des 6 qualifiables. En vue de phases finales lors desquelles - si Bordeaux tient la cadence jusque là - on jurerait que son colossal numéro 11 aura un rôle primordial à jouer dans ces rencontres si serrées.
Ben Lam prouve qu'il n'est pas qu'un buffle avec cette merveille de passe pour l'essai [VIDEO]
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