On pourrait croire que le rugby français est la proue du ballon ovale depuis plusieurs années. Meilleur championnat, plus grandes stars qui viennent y jouer, du jeu à foison, une couverture médiatique importante et des petits clubs qui se battent à coups de drapeaux de touche. Mais en tant que latin, le rugby français est plein de surprises. Ou pas.
Cette semaine, plusieurs décisionnaires de ce rugby français ont été convoqués pour ce qu'on appelle une garde à vue (ou GAV si vous avez moins de 30 ans). Qui ? Bernard Laporte, président de la FFR, accompagné de Claude Atcher, directeur général du Mondial 2023, Mohed Altrad, président et patron du groupe Altrad, Nicolas Hourquet, responsable des relations internationales et Serge Simon, vice-président et je ne sais pas quel autre titre. Pourquoi ? Pour une enquête ouverte en 2017 concernant ces hommes. Mais comment cette garde à vue a-t-elle pu se passer ? Un remake des Dalton à la sauce ovale, une sorte de Usual Suspect avec une fin tout à fait française. Mais n'oublions pas la présomption d'innocence dans cette fiction basée sur des faits raëliens.
Toc Toc, qui est là ?
Mardi matin, Paris s'éveille. Et Bernie aussi. Aujourd'hui, le président de la FFR se demandait ce qui pourrait lui arriver comme mésaventure ? La Coupe du monde 2023 étant bien lancée, impossible de la voir filer. Le Top 14 a repris, plus de crainte de creuser le déficit des clubs. Mais ça, c'est en surface. Bernard ne pense qu'à une chose : le rugby amateur. Comment être encore plus proche de ce dernier, pourtant si loin des demandes qu'il reçoit des clubs de Top 14 et de World Rugby. Il a rêvé cette nuit. Rêvé du XV de France champion du monde en 2023 sous son mandat, avec un bus qui ferait le tour de Paris et les Toulousains qui crient "ENCORE UN TOUR DE ROND-POINT CHAUFFEUR !", autour de l'Arc de Triomphe. Mais puisque rien ne se passe comme il le souhaite, c'est le facteur qui le surprendra. Comme chaque matin.
Ce n'est pas la lecture des médias français sur la FFR qui l'étonne, mais bien le costume de gendarme du facteur. "Vous êtes, à partir de maintenant, en garde à vue". Il refermera la porte, en rigolant, son café costa ricain à la main et un ballon de rugby anti-stress à l'effigie de Rodez. Sa sonnette retentit une nouvelle fois *DOMINGUEZ, TRONCON IL FAIT UNE PASSE A 3 TONNES, DOMINGUEZ IL PREND LE BALLON, IL SE RETOURNE, PIED GAUCHE, IL TAPE* (Oui, il s'agit bien de sa sonnette) :"Je vous dis que vous êtes en garde à vue jusqu'à nouvel ordre". Bien, alors allons-y.
Gardien de la paix avant tout
Dans la voiture qui le mène dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance économique, il demande à mettre le Super Moscato Show pour se détendre. Impossible. Les policiers ne viendront pas se plaindre quand ils auront seulement 1 étoile sur Uber. Arrivé sur les lieux, il retrouve Mohed Altrad qui lui dit qu'il vient chercher un ami. Plus loin, c'est Serge Simon, qui vient donner un diagnostic vital d'un détenu. Au tour de Claude Atcher, qui vient signer un contrat entre la Brigade et France 2023. Et le dernier, qu'il ne reconnaît même pas, mais qui vient le prévenir qu'ils sont "dans une merde internationale". Bernie, lui, leur affirme qu'il vient rendre visite au club de la Brigade de répression de la délinquance économique, parce que "l'amateur et les valeurs, c'est aussi et surtout eux".
Première mauvaise audition avec Audika
Les questions portent sur une enquête ouverte en 2017 et dirigée par le parquet national financier. Bernard est au soutien du PNF, qu'il pense être un club de 4e série. Que nenni. Il faut tout de même répondre aux accusations et questions de la Brigade, et ça, c'est plus compliqué. La ligne de défense est claire ! Il n'a pas recruté Shaun Edwards pour ne pas suivre ses conseils : on monte fort et on les agresse. Pas la meilleure stratégie face à une attaque qui a plus de joueurs que toi, l'arbitre avec lui, pas d'arbitrage vidéo ni de supporters. Une sorte de match de la mort. La nuit arrive, ils décident de garder tout ce beau monde dans une cellule : Bonne nuit.
Prisoners de Denis Villeneuve
La nuit va être longue dans une cellule où la moyenne d'âge est plus proche du centenaire de Capendu. Elle va surtout être longue pour les voisins de cellule qui sont habitués à des insultes envers les forces de l'ordre, et non des ronflements à 21h19. Première constatation : il n'y a pas de télé. La FFR a sûrement oublié une livraison. L'avocat de Mohed Altrad s'est exprimé sur cette nuit plus que difficile. Selon lui, son client n'a pas dormi de la nuit à cause des bruits incessants de ses voisins, de "la lumière dans la gueule à 23h30", alors qu'il est seulement 19h. Mais à 71 ans, on n'a plus la notion de soirée. La réalité est toute autre : comment dormir quand ton voisin de "geôle" s'égosille sur le fait qu'il est médecin et que Bernard Laporte n'a pas pris ses médicaments. Pour cela, les officiers le laissent consulter le président de la FFR qui prendra un doliprane, faute d'éponge magique.
Le jour vient de se lever
Le calvaire est fini, pense-t-on. Bernard Laporte et les autres pensent enfin rentrer chez eux. Mais s'endormir à 17h dans une cellule n'était pas dans les plans d'interrogatoire de la Brigade. Il faut donc continuer de creuser avant de les libérer. Les questions portent sur la relation entre Mohed Altrad et Bernard Laporte depuis plusieurs années, de quoi faire fuir n'importe quelle supportrice de rugby au premier date.
Après deux jours de garde à vue, la liberté ! Les 5 retrouvent la liberté et le soleil parisien. Puis la pluie. Puis le soleil. En attendant leur taxi, une odeur de barbecue se fait sentir de l'autre côté de la rue. Alléché, Bernie traverse la route, non pas pour trouver du travail, mais pour vérifier ses soupçons : il s'agit bien de Florian Grill en pleine tournée des clubs français.
