Vous en avez marre de voir des cartons rouges distillés tous les week-end sur les pelouses de France, de Navarre et d'ailleurs ? Eh bien il va falloir vous y faire (ou vous baisser réellement), car ce n'est pas prêt de changer ! Aujourd'hui, pros' comme amateurs sont soumis au HCP (Head Contact Process) après que World Rugby a lancé publiquement son nouveau procédé de contact avec la tête, destiné à faciliter le fonctionnement des sanctions lors de contact au-dessus des épaules. Au vrai, le HCP n'est qu'une "évolution du Guide décisionnel pour les plaquages hauts (High Tackle Sanction Framework), qui a soutenu l’ambition du rugby de réduire le risque de blessures à la tête grâce à des sanctions plus sévères et plus cohérentes sur et en dehors du terrain en cas de plaquages dangereux", indique la principale instance mondiale sur son site.
Schéma du protocole HCP. Image : World Rugby
Ce qui signifie que comme vous avez déjà pu le voir en Top 14 ou en ce début de Tournoi des 6 Nations, "le champ à prendre en considération pour les sanctions a été amélioré pour y inclure tous les contacts illégaux avec la tête et le cou, y compris les déblayages dangereux, les collisions tête contre tête et les contacts résultant de l’utilisation en avant du coude ou de l’avant-bras du porteur de balle, en plus des plaquages hauts et des charges à l'épaule", poursuit World Rugby. De fait, il est logique de voir toujours plus de cartons cette année, puisque les décisions sont moins soumises à l'interprétation, bien que certaines circonstances atténuantes soient toujours considérées. D'autant que l'évolution des moeurs et l'habituation des joueurs est naturellement longue. Voilà pourquoi ce dispositif est et sera encore accompagné d’une formation à destination des joueurs, des entraîneurs et des officiels de match, afin d'également sensibiliser aux commotions cérébrales.
C'est une clarification efficiente avec un processus assez clair qui limite les différences d'appréciation pour les arbitres. - Dédépuildébut
Et dans les faits, qu'est-ce que cela change ? Voici quelques exemples de contacts avec la tête ayant engendré une exclusion définitive alors que cela n'aurait probablement pas été le cas avant la mise en place du Head Contact Process. Notez qu'ils ont tous fait débat auprès de l'opinion.
Cas 1 :
Sur la première action de la vidéo, Will Sketon vient charger la tête de Willemse avec l'épaule (bras collé au corps) sur un plaquage à deux somme toute banal. Visiblement, l'intention du deuxième ligne rochelais n'était pas de faire mal au Montpelliérain, simplement de "l'impacter" pour gagner la collision. Pourtant, son geste n'est pas du tout maîtrisé et le choc derrière la tête de Willemse est assez lourd, du fait notamment de la force de Skelton (2m03 pour 135kg).
- Y a-t-il contact avec la tête ? OUI.
- Est-ce un acte de jeu déloyal ? L'incident aurait pu être évité avec plus de maîtrise de la part de Skelton, la réponse est donc OUI.
- Dès lors, quel est le niveau de danger ? L'impact oscille entre la force moyenne et élevée, mais il y a une circonstance aggravante puisque le "plaquage" est réalisé avec le bras collé au corps, ce qui correspond à une charge à l'épaule. D'autant que l'arbitre ne considère pas le plaquage préalable de Rémi Bourdeau (le 6 noir) - et un potentiel changement de direction de Willemse en suivant - comme une circonstance atténuante.
D'après le protocole de World Rugby, contact avec la tête + force élevée (moyenne + circonstance aggravante) = carton rouge. La décision de Monsieur Charabas était donc la bonne, pas de place à l'interprétation possible en suivant le HCP.
Cas 2 :
Jasper Wiese red card 🟥 #SaffasAbroad #GallagherPrem #LEIvWAS pic.twitter.com/IYBZmIiGK3
— Saffas Abroad Rugby 🇿🇦🏉 (@SaffasRugby) February 20, 2021
Début mars, lors de la rencontre entre Leicester et les Wasps en Premiership, voici une action qui a beaucoup fait parler. Le troisième ligne des Tigers Jaco Wiese veut déblayer fort sur le défenseur des Guêpes qui était prêt à contester le ballon lors d'une situation de marque pour les locaux. Il faut prendre en compte qu'il arrive avec force et vitesse, le bras un peu trop décollé et effectue une percussion sur son vis-à-vis pour cela, alors que les déblayages sont un des cas de figure que l'on demande de surveiller le plus aux arbitres depuis quelque temps. Son épaule heurte le front de Ben Morris, il récolte donc un carton rouge, le 3ème de la partie...
- De fait, l'on se demande s'il y a contact avec la tête ? OUI.
- Est-ce un acte de jeu déloyal ou un accident ? Le contact n'est pas maîtrisé, qui plus est sur une cible immobile : la réponse est donc OUI, c'est un acte de jeu déloyal.
- Enfin, quel est le niveau de danger ? Il est ÉLEVÉ.
Là encore, en suivant le schéma, l'on s'aperçoit que la situation donne ceci : Contact avec la tête + force élevée = carton rouge. Le geste de Wiese est dangereux et surtout inutile. D'après le protocole mis en place par World Rugby, il n'y a donc une nouvelle fois pas de place à l'interprétation.
Cas 3 :
Voici un cas qui a fait beaucoup jaser puisque le "plaqueur" Faumuina n'a cette fois pas été sanctionné par l'arbitre, même si Botia est clairement tombé sur la tête. Certains observateurs ont avancé une situation inédite, d'autres un jugement plus souple du fait que le plaqué est l'un des joueurs les plus rugueux de notre championnat... Toujours est-il que, comme vous pouvez le voir ci-dessous, cette situation n'était pas interprétée de la manière selon les arbitres.
Top 14. ARBITRAGE. ''Le plaquage'' sur Botia méritait-il sanction ?Bilan : Le nombre de cartons explose en France (116 biscottes en 19 journées de Top 14 !) comme ailleurs (5 cartons rouges lors du même week-end de Premiership il y a deux semaines), et beaucoup d'observateurs parmi lesquels des Irlandais notamment, n'ont pas hésité à clamer que cela "ruine le jeu". Vous l'aurez compris, les nouvelles directives imposées aux arbitres par World Rugby n'y sont pas étrangères. Néanmoins, ce protocole HCP est censé réduire assez fortement la possibilité d'interprétation, et c'est en ce sens une évolution. Le nombre de sanctions plus élevé semble donc aujourd'hui le prix à payer pour protéger la santé des joueurs autant que possible. Malgré tout, ni la vidéo ni ce protocole ne peuvent totalement endiguer le fait que chaque phase de jeu est unique, et peut donc réserver son lot de différentes interprétation, comme le montre le cas numéro 3, entre la Rochelle et Toulouse.