Le XV de France a forgé sa légende grâce à des victoires de prestige face aux meilleures nations du rugby. Et notamment contre la Nouvelle-Zélande. Et la dernière victoire tricolore en test de novembre face aux Kiwis remonte à l'an 2000. Les hommes de Bernard Laporte avaient dompté les All Blacks à Marseille, dans un match de légende. Retour sur cette rencontre.
Il y a des matchs dont l'atmosphère indique clairement qu'il va se passer quelque chose. Un an après la remarquable performance française en demi-finale du mondial 1999 face à la Nouvelle-Zélande à Twickenham (42-31), les Français rééditaient l'exploit dans un stade Vélodrome de Marseille plein à craquer pour l'occasion. Vaincus la semaine d'avant par ces mêmes néo-zélandais, cette fois-ci au Stade de France (26-39), ils tenaient à prendre leur revanche. Et c'est avec panache que les bleus se sont imposés. Un score proche de la demi-finale (42-33), des essais légendaires, des exploits individuels et un jeu d'équipe très plaisant à regarder. La France n'avait pas à "bader" les nations du Sud ce soir-là.
La mafia paillettes en force
Une des grandes différences entre le match de 2000 et le XV de France actuel, c'est le nom du principal club pourvoyeur d'internationaux. Si les Néo-zélandais ont toujours eu une part prédominante de joueurs de Canterbury dans leurs rangs, on comptait à l'époque 7 Parisiens titulaires au coup d'envoi chez les Bleus. Rien à voir avec aujourd'hui. Les champions de France en titre de l'époque étaient représentés par une première ligne 100% parisienne avec Marconnet, Landreau et De Viliers ; David Auradou en deuxième ligne aligné avec le néo-toulousain et capitaine de la France Fabien Pelous ; Christophe Moni et Juillet en 3ᵉ ligne en compagnie du Clermontois Olivier "Charly" Magne ; et enfin Franck Comba au centre de l'attaque associé au joueur de Béziers Richard Dourthe. La charnière de l'époque était la propriété de l'actuel sélectionneur Fabien Galthié (Columérin à l'époque), et de "Titou" Lamaison, néo-agenais. Enfin, derrière, on retrouvait les gazelles Garbajosa (Stade Toulousain), Bernat-Salles (Biarritz Olympique) et Sadourny (US Colomiers). Des noms qui raisonnent dans nos têtes.
Le contexte de l'époque
Les All Blacks comptaient, eux aussi, des joueurs reconnus. Jonah Lomu absent du match, c'était un Franco-maori qui le remplaçait à l'aile gauche, en la personne de Bruce Reihana ! La charnière de Canterbury Justin Marshall et Andrew Mehrtens, menait le jeu. Scott Robertson, actuel entraineur des Crusaders, était titulaire en numéro 7. Et un certain Todd Blackadder, deuxième ligne, qui n'est autre que le père d'Ethan (qui jouera samedi face à la France), était capitaine ce soir-là ! Enfin, difficile de passer outre la présence de Tana Umaga et de Doug Howlett, qui enflammaient les stades du monde entier. Là aussi, des noms de légendes, qui nous ont offert un très grand match de rugby. Et pour recontextualiser le match de l'époque, la France avait terminé 2ᵉ du premier Tournoi des 6 nations (derrière les Anglais). De même pour les Néo-zélandais dans le Tri-Nations (derrières la grande Australie). Les Français, depuis la prise de fonction de Bernard Laporte, cherchaient un match référence alors que l'équipe de Wayne Smith avait été au centre de deux matchs d'anthologies face à l'Australie dans le Tri-Nations : le "match du siècle", disputé au stade olympique de Sydney devant 110000 spectateurs, et remporté 35-39 grâce à un essai de Lomu dans les dernières secondes, et la revanche 3 semaines plus tard à Wellington, remporté par les Wallabies, grâce à une pénalité du capitaine seconde ligne John Eales à la dernière seconde (23-24).
Les faits du match :
Le bus des Français arrivé 40 minutes avant le coup d'envoi et l'échauffement expédié rapidement, les coéquipiers de Pelous avaient néanmoins débuté la rencontre tambours battants. Dès la 2ᵉ minute, Xavier Garbajosa décalé en bout de ligne, suite à un renversement de Galthié, effectuait un cadrage-débordement sur son vis-à-vis, tapait par-dessus Cullen et aplatissait le ballon dans l'en-but. Le vélodrome exultait, et dans l'euphorie marseillaise, les Bleus continuèrent de réciter leur rugby. Quelques minutes plus tard, suite à un bon enchainement des avants français et au jeu après contact, Magne servi par Galthié encore une fois, arrivait lancé dans la ligne et marquait le deuxième essai tricolore. 14-0 puis 17-0 grâce à la botte de Lamaison, auteur d'un 100% au pied. Les Blacks étaient dominés et indisciplinés. Mais ils étaient néanmoins revenus dans le match via deux essais en contre parfaitement joués et conclus par Marshall et Howlett. Le score s'était resserré et les coéquipiers de Mehrtens avaient remis la main sur le ballon. Une domination en fin de mi-temps qui s'était traduit par un essai en bout de ligne par Slater, retournant Garba au contact et bénéficiant d'une superbe passe acrobatique de Umaga. À la pause, les Tricolores ne menaient que de deux petits points 26-24.
Tour d'honneur du panache français
Les All Blacks débutaient la seconde mi-temps de la même manière qu'ils avaient terminé la première. Andrew Mehrtens profitait de l'indiscipline française par deux fois pour donner l'avantage à son équipe 26-30. Le match commençait alors à se tendre et les esprits s'échauffaient. Tana Umaga et Dourthe s'expliquaient au sol suite à un plaquage viril, mais correct de ce premier, Garbajosa marquait son territoire face à Howlett et ce dernier ne se laissait pas faire. La France n'était pas impressionnée par le niveau de jeu adverse, et les entrées en jeu de Califano, Olivier Azam et Serge Betsen avaient remis les Bleus dans le sens de la marche. Après une action collective rondement menée, Moni avortait une occasion d'essai en bout de ligne par un en-avant. Les Français se rattrapaient tout de même et c'est Fabien Galthié en force qui inscrivait le 3ᵉ essai tricolore (33-30). Les Français avaient décidé de prendre leur adversaire par l'axe. Les avants généraient de l'avancée, et les trois-quarts derrière déployaient le jeu. Lamaison recommençait à peser sur le match, et occupait le camp adverse avec classe et maitrise.
La Nouvelle-Zélande était à nouveau privée de ballons. Le demi d'ouverture marquait un drop à 13 minutes du terme qui permit à son équipe de se détacher au score. Les Blacks n'y arrivaient plus. Ils ne trouvaient plus d'espace dans la défense adverse, que ce soit par du jeu au pied ou du jeu à la main. Il s'en fallait de peu pour voir un 4ᵉ essai français. Juillet et Galthié effectuaient un une-deux en sortie de mêlée dans leur 40 mètres côté fermé. Magne arrivait au soutien, mais échouait à une dizaine de mètres de l'en-but. Un relai dans l'axe de Betsen, et une transformation du jeu rapide vers les extérieurs, Franck Comba s'était cru en Terre promise, mais il avait repris puis pénalisé, oubliant un surnombre énorme sur sa gauche. Rien de rédhibitoire cependant. Lamaison avait scellé le score par un nouveau drop dans les ultimes instants et la France s'imposait à nouveau face à la Nouvelle-Zélande.
Un exploit de taille qui a prouvé que les hommes de Bernard Laporte pouvaient se hisser au niveau des meilleures équipes. Ce match aura été le dernier fait d'armes d'une génération dorée de joueurs : Sadourny, Dourthe, Juillet, Bernat-Salles, Lamaison. Et durant un long moment également, un des derniers faits d'armes du French Flair. Ce samedi soir, ce pourrait être l'avènement de la nouvelle génération dorée des Bleus face aux All Blacks. La France va-t-elle s'inspirer de la victoire de l'an 2000 ?